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    Des montres qui durent : comment ID Genève transforme l’horlogerie de luxe par l’économie circulaire

    Des montres qui durent : comment ID Genève transforme l’horlogerie de luxe par l’économie circulaire

    Mondialement reconnue pour son savoir-faire artisanal et son innovation technologique, l’industrie horlogère suisse occupe une place incontestée de leader du secteur, générant un chiffre d’affaires annuel supérieur à CHF 50 milliards1. Aujourd’hui, plus de 90% des montres vendues au-dessus de CHF 1000 sont produites sur le territoire suisse2. Pour autant, le secteur fait face à des défis inédits, alors que plusieurs ONG telle que WWF3 pointent du doigt le manque d’efforts de cette industrie pour tendre vers plus de durabilité, des chaînes d’approvisionnement aux modèles d’affaires. Heureusement, des acteurs innovent et ouvrent la voie à une horlogerie circulaire et respectueuse de l’environnement. Nous avons rencontré Nicolas Freudiger, Co-fondateur et CEO d’ID Genève, première marque de montres de luxe suisses issues de l’économie circulaire.

     

    Bonjour Nicolas Freudiger. Pouvez-vous vous présenter ?

    Je suis Nicolas Freudiger, un produit du terroir genevois, tout comme Cédric Mulhauser, Co-fondateur d’ID Genève. Nous avons créé ID Genève en 2020, avec également Singal Depéry, à trois co-fondateurs complémentaires : un horloger, un designer et un entrepreneur qui se rencontrent avec comme volonté de créer une autre identité du luxe et de l’horlogerie. Trois piliers sont essentiels pour nous : la durabilité, bien sûr, la transparence, et la traçabilité, au coeur d’une marque qu’on peut qualifier de « impact native ». Ce qui était surtout très important pour nous c’était de lancer une marque avec un modèle d’affaires circulaire.

     

    Quelle place occupe la durabilité au sein d’ID Genève ?

    Plutôt que de durabilité, je préfère parler d’économie circulaire, qui est pour moi la « Super Ligue » de la durabilité. Elle va plus loin que le simple produit ou que la durabilité sur un aspect. Elle nous permet de changer le modèle d’affaires, de passer d’un modèle linéaire à un modèle circulaire en se concentrant de manière holistique sur la proposition de valeur. Il s’agit de retenir et maintenir en circulation un flux de matériaux et fermer la boucle pour arriver à un circuit vertueux qui puisse justement réduire drastiquement la consommation de nouvelles matières premières.

    L’économie circulaire nous permet de changer le modèle d’affaires, de passer d’un modèle linéaire à un modèle circulaire en se concentrant de manière holistique sur la proposition de valeur

    Pourquoi avez-vous choisi de ne pas utiliser le label « Swiss Made » et de créer votre propre label « Circular Swiss Made » ?

    Nous sommes des enfants du Swiss made. Tous les trois, on adore cette industrie, mais on a voulu aller plus loin, notamment dans la recherche des matériaux. On a donc posé le « Circular » devant « Swiss Made » pour montrer qu’on a beaucoup de respect pour l’industrie du Swiss Made.

    Aujourd’hui, 90% des montres vendues au-dessus de 1000 francs suisses sont Swiss Made. C’est assez incroyable. Mais on a souhaité aller plus loin et intégrer les enjeux liés au changement climatique. Je pense qu’il y a une grande opportunité économique dans l’économie circulaire et c’est ce que nous souhaitons mettre en avant.

    Lire aussi : Comment une entreprise peut-elle réduire son empreinte carbone

     

    Cette sensibilité à l’économie circulaire fait-elle partie des critères d’achat de vos clients ?

    Il y a d’un côté les environnementalistes, qui impulsent les changements dans la société, et nous nous adressons aussi aux personnes qui se posent aujourd’hui des questions sur leur mode de consommation et qui souhaitent le changer.

    Pour y parvenir, il faut déjà que le produit ait un esthétisme affirmé et un storytelling désirable. Je pense que les personnes qui achètent nos montres auraient pu acheter une autre marque de montres, mais elles souhaitent avant tout être reconnues pour les efforts qu’elles font en matière de circularité et d’écologie, à leur échelle.

    Pour un changement majeur, je dis souvent qu’il ne faut pas que cinq personnes soient parfaites, mais il faut que des millions de personnes s’améliorent pas à pas. L’impact sera beaucoup plus grand. Avec ID Genève, c’est le message qu’on veut porter. Alors qu’une montre est un bien positionnel, nous voulons plutôt être vus comme un marqueur environnemental. Et pour que cette alternative soit crédible, il faut qu’elle soit tout aussi désirable.

    Avec ID Genève, c’est le message qu’on veut porter : alors qu’une montre est un bien positionnel, nous voulons plutôt être vus comme un marqueur environnemental

    Vos montres sont conçues pour être 100% réparables. Comment avez-vous surmonté ce défi technique ?

    Chez ID Genève, on parle d’éco-conception, en nous assurant que nos montres embrassent un des piliers de l’économie circulaire : le Design for Disassembly (DfD)4. Dès la phase de design du produit, il s’agit de prendre en compte son côté modulaire et évolutif. Ce fut le cas dès notre première collection, la collection Circular 1 : toutes les pièces sont interchangeables, avec facilité. C’est une conviction inscrite dans notre proposition de départ pour chaque collection.

    Par exemple, nous travaillons avec le célèbre mouvement ETA 2824, que nous reconditionnons. Quand on doit le remplacer dans une de nos montres, nous allons puiser dans les stocks d’invendus. Et comme il est très connu, tout horloger est capable de le réparer. Nous serons donc peut-être moins exclusifs sur cet aspect technique, mais nous nous concentrons sur des facteurs de réparabilité et modularité qui nous sont chers.

    A l’inverse, créer notre propre mouvement de toutes pièces serait une aberration, puisque cela générerait une empreinte carbone importante, ce qui est contraire à notre motto et nos valeurs. Aujourd’hui, nous proposons même une option « cashback » pour les clients. Nous les reprenons à un prix non spéculatif, les reconditionnons complètement et les remettons en vente sur notre site e-commerce. C’est une autre façon de pousser un peu plus la circularité dans notre modèle d’affaires.

    Lire aussi : Dix principes pour une économie circulaire

     

    Vous avez été la première marque de montres au monde à proposer un acier « solaire » à partir d’acier recyclé et recyclable pour vos boîtiers de montres. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce matériau ?

    En effet. Depuis le début, nous travaillons avec l’entreprise Panatere, spécialisée dans l’acier 100% recyclé, avec qui nous avons créé la collection « Circular S », S pour solaire. C’est en effet la première fois dans l’industrie horlogère qu’on utilise un acier solaire. Notre acier recyclé est refondu dans un four qui utilise des miroirs convexes pour concentrer la lumière du soleil sur une surface de petit diamètre pour produire une chaleur atteignant 4’000 degrés Celsius. Cet acier présente une empreinte carbone 165 fois plus faible que les standards de l’industrie. Un autre projet de four solaire verra prochainement le jour à Neuchâtel, en Suisse, que nous allons utiliser à l’avenir pour nos collections.

    En octobre 2023, vous avez bouclé une levée de fonds de CHF 2 millions, avec notamment la participation de l’acteur Leonardo DiCaprio. Comment cette rencontre a-t-elle eu lieu et à quoi vont servir ces fonds ?

    La genèse remonte à longtemps, soit à notre crowdfunding en décembre 2020. Nous savions que nous allions lever des fonds dans les trois ans à venir. En novembre 2021, je déclarais dans une interview pour le New York Times5 « Mon grand rêve est d'avoir Leonardo DiCaprio parmi les investisseurs d'ici trois ans. C’est pour nous un véritable leader en matière de changement climatique. S'il lit cet article, c'est parfait ». A cette époque, le GIEC venait de sortir son rapport6, et c’est pour cette raison que nous avons évoqué une fenêtre de trois à cinq ans, intervalle dans lequel tout se passe et qu’il faut changer les choses. En résonance au rapport du GIEC, c’est pour ça que nous avions cet objectif ambitieux de travailler avec lui. Je pense que cette interview du New York Times nous a aidés, mais depuis le début nous avions une vision, en créant un projet qui appelle certains ambassadeurs tels que Leonardo DiCaprio à vouloir porter notre montre.

    …depuis le début nous avions une vision, en créant un projet qui appelle certains ambassadeurs tels que Leonardo DiCaprio à vouloir porter notre montre. […] Avec les fonds de la levée, nous allons accélérer notre développement, avec une série A comme objectif à l’horizon 2025. Le meilleur reste à venir

    Ensuite, après un travail de longue haleine, on a commencé à lever des fonds. Nous avons pris contact avec son family office et tout s’est très bien déroulé. Nous sommes vraiment contents et on ne s’attendait pas à ce que tout aille si vite et bien. Avec les fonds de la levée, nous allons accélérer notre développement, avec une série A comme objectif à l’horizon 2025. Le meilleur reste à venir.

    Tout comme Lombard Odier, vous êtes membre de la communauté B Corp™, après l’obtention de votre certification en novembre dernier. Qu’est-ce que ça représente pour vous ?

    Être certifiés B Corp™ était une volonté de notre part dès la création d’ID Genève. Cela nous a pris 18 mois entre le dépôt la demande et l’obtention de la certification, et aujourd’hui c’est une très grande fierté et satisfaction d’être la première marque suisse de montres certifiée B Corp™.

    Lire aussi : Comment Zalando tire le secteur de la mode vers la circularité

    Nous souhaitons encourager les autres marques à le devenir et faire partie de cette communauté. Nous apprécions beaucoup le cadre holistique de cette certification, tout comme son aspect communautaire, très important pour nous. Nous apprécions aussi que les B Corp™ ne sont pas que des startups et que des entreprises de plus grande taille fassent aussi partie de la communauté. Pour réussir la transition environnementale, nous avons besoin de l’engagement de tout le monde. Il faut embarquer tous les acteurs pour que le changement soit systémique.

    Bien sûr, toutes les entreprises ne sont pas parfaites mais le plus important est de faire avancer les choses en montrant l’exemple, en améliorant nos modèles d’affaires, nos processus et en s’entraidant. La communauté suisse B Corp™ est d’ailleurs très active et nous sommes heureux d’en faire partie.

    Les choses sont en train de bouger. Des rapports présentent l’état du secteur, comme ceux de WWF Suisse. L’IMD Business School publie également avec E4S le Luxury Transparency and Traceability Index, une excellente idée documentant les initiatives de transparence dans l’industrie du luxe

    L’industrie du luxe est-elle bonne élève en matière de durabilité et quels progrès reste-t-il à faire ?

    Les choses sont en train de bouger. Des rapports présentent l’état du secteur, comme ceux de WWF Suisse. L’IMD Business School publie également avec E4S le Luxury Transparency and Traceability Index, une excellente idée documentant les initiatives de transparence dans l’industrie du luxe. Il y a également la Watch & Jewellery Initiative 20307 lancée par Kering et Cartier, qui vise à renforcer la résilience climatique et préserver les ressources avec en ligne de mire les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies.

    A notre échelle, celle d’ID Genève, nous avons fait le choix de ne pas utiliser de diamants miniers, de pierres ou métaux précieux, afin de ne pas encourager l’industrie de l’extraction minière, secteur qui doit urgemment se décarboner car il représente 28% du total d’émissions mondiales de gaz à effet de serre en incluant les émissions de Scope 38.

     

    Et vous, personnellement, quels gestes adoptez-vous quotidiennement en faveur de la durabilité ?

    Pour ma part, je n’ai par exemple pas de voiture à Genève. Je n’utilise que les transports en commun et le vélo. Le réseau de transports publics est très bien développé en Suisse, donc on en profite au maximum. Chez ID Genève, on encourage également la flexibilité et le home office, qui permettent de participer à réduire les émissions, à notre petite échelle. On s’améliore chaque jour, en favorisant par exemple l’usage des transports en commun, ou dans le cadre de voyages longue distance, le fait de privilégier le train à l’avion.

    Et dans le cadre de notre développement international, on se pose la question du comment : comment va-t-on concilier développement international et circularité ? C’est un enjeu de taille et nous avons hâte de le relever.

     

    Concernant votre développement, quels sont les prochaines grandes étapes d’ID Genève dans les mois qui viennent ?

    Il y a pas mal de choses encore confidentielles (sourires), mais encore une fois, la transparence étant très importante pour nous, on apprécie donc bien sûr de parler de nos projets. Dans les prochains 24 mois, nous allons lancer une collaboration avec une marque bien établie, avec comme idée de casser les codes de la compétition et de se concentrer sur ce qu’on peut faire ensemble pour la transition environnementale.

    Et très prochainement, pour le salon Watches & Wonders à Genève en avril, nous allons dévoiler une toute nouvelle collection. Il s’agira d’une collection exclusive, genderless et dotée d’un nouveau design.

     

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    2 Les huit choses que vous devez savoir sur l’horlogerie suisse - SWI swissinfo.ch
    Evaluation du WWF dans les secteurs de l’horlogerie et de la joaillerie | WWF Suisse
    Design for Disassembly: La construction circulaire du futur (circularhub.ch)
    A New Watch Brand Says It’s ‘Circular Swiss Made’ - The New York Times (nytimes.com)
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    Watch & Jewellery Initiative 2030 (wjinitiative2030.org)
    Decarbonization: The Requirements for—and Role of—Mining Companies | Insights | Mayer Brown

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