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    Un confinement qui bouleverse les habitudes et accélère des tendances

    Un confinement qui bouleverse les habitudes et accélère des tendances
    Stéphane Monier - Chief Investment Officer<br/> Lombard Odier Private Bank

    Stéphane Monier

    Chief Investment Officer
    Lombard Odier Private Bank

    Points clés

    • L’attention commence à se porter sur l’impact à long terme du Covid-19 après le « Grand Confinement »
    • Historiquement, les crises induisent des changements sociaux, mais la persistance des comportements adoptés durant le confinement jouera un rôle décisif
    • Nous nous attendons à ce que la pandémie agisse comme un accélérateur de tendances dans les domaines de la logistique, des technologies, de la mondialisation, de la géopolitique et de la soutenabilité
    • Le secteur manufacturier pourrait gagner un ancrage plus local et produire les nouveaux biens « essentiels » à l’intérieur des frontières nationales
    • D’importantes leçons devront être tirées de la gestion de la pandémie au plan personnel, national et mondial.

    Alors que les gouvernements commencent à réfléchir aux stratégies de déconfinement, l’attention se porte sur la reconstruction des économies et les tendances qui s’accéléreront dans le sillage de la pandémie.

    À mesure que l’impact du Covid-19 se fait sentir, les changements de fond que la pandémie entraîne focalisent l’attention. Les projections des conséquences à plus long terme de la pandémie actuelle doivent déterminer dans quelle mesure les changements de comportement des consommateurs perdureront une fois les blocages levés.

    Combien de temps faut-il pour qu’une nouvelle habitude s’installe véritablement ? Les recherches en psychologie suggèrent qu’il faut environ deux mois pour ancrer une nouvelle habitude. La ville chinoise de Wuhan a vécu une période de confinement de près de deux mois et de nombreux pays européens parmi les plus touchés par la pandémie s’efforcent désormais d’assouplir les restrictions après avoir vécu une expérience similaire.

    Historiquement, les crises ont conduit à des changements majeurs dans nos sociétés. Ainsi, après les deux guerres mondiales du XXe siècle, des systèmes de couverture maladie universelle ont été mis en place (sauf aux États-Unis), les femmes ont obtenu le droit de vote dans de nombreuses démocraties (mais pas en Suisse) et ont rejoint la population active en plus grand nombre. Suite aux attentats terroristes de 2001, nous nous sommes adaptés aux restrictions de sécurité dans les aéroports et la crise financière de 2008 a accentué les inégalités, déclenchant une montée du nationalisme politique et de la xénophobie.

    La pandémie de Covid-19 pourrait ainsi devenir un important facteur d’évolution des technologies de connectivité, de la mondialisation, de l’équilibre géopolitique et de la durabilité.


    Dépendances technologiques

    Notre dépendance à l’égard de la technologie a été évidente ces dernières semaines. Le commerce en ligne s’est développé, engendrant des pressions sur la logistique et les services postaux pour maintenir les livraisons, tandis que la demande de services de télémédecine a explosé. Les ventes d’ordinateurs, d’écrans et d’imprimantes ont augmenté à mesure que nous nous sommes adaptés au travail et à l’école à domicile.

    Les besoins de capacités de réseau supplémentaires pourraient favoriser le développement des réseaux 5G, surtout si l’on envisage une relance budgétaire axée sur la connectivité. Les plateformes de partage numérique, ainsi que les implications potentielles sur la valeur de l’immobilier commercial, évolueront à mesure que nous ajusterons nos attentes concernant nos espaces de vie et de travail à la maison et en dehors.

    La progression du télétravail a également mis en évidence les vulnérabilités en matière de sécurité. Ainsi, le système de vidéoconférence Zoom a multiplié le nombre de ses abonnés par 20 au cours des premières semaines de confinement en Europe. Quelques semaines plus tard, de nombreuses entreprises ont interdit son utilisation pour des raisons de sécurité. Inévitablement, la solidité de l’architecture internet, tant son infrastructure cloud que le stockage physique des données, est source d’inquiétudes.

    La pandémie devrait ainsi mettre en évidence la fragilité de certaines tendances et renforcer des tendances existantes comme le commerce électronique, la logistique et la cybersécurité.

    L’incapacité de nombreux gouvernements à agir plus tôt face à la pandémie suscitera des critiques. Une grande partie du monde n’a pas été en mesure, par exemple, de suivre le « message simple pour tous les pays : testez, testez, testez » de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) du 16 mars. De même, tous les gouvernements n’ont pas réussi à fournir les équipements de protection, notamment les gants et les masques, pour le corps médical. Sans parler du retour d’information plus sophistiqué des outils de surveillance du comportement.

    La technologie fera certainement partie de la réponse à ces défis, sous la forme de dépistages à grande échelle et de traçage de contacts. Bien que problématiques du point de vue de la liberté individuelle, de telles mesures se répandront car elles pourraient empêcher de nouvelles vagues épidémiques. La Chine utilise déjà de nouvelles technologies et des applications de traçage sont à l’étude en Europe avec le soutien de Google et d’Apple.

    La pandémie devrait ainsi mettre en évidence la fragilité de certaines tendances et renforcer des tendances existantes comme le commerce électronique, la logistique et la cybersécurité.

    La production de biens essentiels devrait être rapatriée au niveau national.

    Dé-mondialisation

    La mondialisation s’est intensifiée depuis la Seconde Guerre mondiale. Cependant, la libéralisation du commerce des biens et des services, facilitée et contrôlée par les accords de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et l’adhésion de la Chine, est remise en question depuis la grande crise financière de 2008/2009. La possibilité d’une réponse coordonnée à la crise actuelle est menacée par l’effondrement de la confiance dans le système multilatéral, provoqué par des inégalités croissantes et aggravé par la montée du populisme. Le dernier exemple en date est la décision des Etats-Unis de suspendre le financement de l’OMS.

    Le rôle des gouvernements est essentiel. Ils sont désormais aux commandes de l’économie, ayant pris le relais là où une grande partie des acteurs économiques privés restent immobilisés. De surcroît, compte tenu des faibles niveaux des taux d’intérêt, le secteur public est en très bonne position pour emprunter et fournir une relance budgétaire importante.

    Face aux difficultés liées au différend commercial entre les Etats-Unis et la Chine, l’activité manufacturière était au cœur des préoccupations en 2019. Aujourd’hui, la production de biens essentiels devrait être rapatriée au niveau national. Prenons un exemple très actuel, celui de la production de masques médicaux, qui est centrée en Asie. La France ne dispose que de quatre sites capables de fabriquer des masques de qualité chirurgicale, car jusqu’à la crise actuelle, le pays pensait pouvoir compter sur les importations pour combler un éventuel manque. Le gouvernement français a maintenant décidé de multiplier la production par cinq. Un autre exemple met en exergue les problématiques de coopération et de concurrence internationales : le président Donald Trump a récemment bloqué l’expédition de masques fabriqués par la société américaine 3M vers le Canada invoquant sa politique « America First » (L’Amérique en premier).

    D’autres industries pourraient chercher à réduire leur dépendance vis-à-vis de l’Asie et de la Chine, en internalisant la production et en recherchant de nouvelles solutions pour la chaîne d’approvisionnement. Un autre exemple peut être celui des composants chimiques à faible valeur ajoutée, soudainement jugés essentiels parce qu’ils sont les ingrédients de base de médicaments de première nécessité dont le brevet a expiré. Nous pouvons observer la même tendance dans l’alimentaire alors que nous nous adaptons à l’évolution des niveaux d’approvisionnement et que nous faisons face à la fragilité de nos réseaux d’approvisionnement existants, qui dépendent de la livraison juste-à-temps et qui ont contribué à une diminution des niveaux des stocks détenus en réserve.

    L’automatisation des processus industriels, l’entreposage et la résolution des goulets d’étranglement logistiques s’accéléreront sans aucun doute pour faire face aux nouvelles urgences et resteront probablement une priorité pour les entreprises longtemps après la pandémie.

    Les voyages sont une victime évidente à court terme et on peut se demander combien de temps il faudra à la branche pour se rétablir une fois que les restrictions de mouvement commenceront à être levées. Il se peut que les restrictions sur les voyages d’affaires soient plus nombreuses et que les voyages d’agrément, en particulier les voyages longue distance, soient affectés de manière prolongée. Cette évolution se conjuguera probablement avec la sensibilité croissante des voyageurs à l’environnement et pourrait entraîner un certain glissement du transport aérien vers le transport ferroviaire. À court terme, tout changement durable dans le comportement des voyageurs d’affaires et de loisirs pourrait prolonger la pression sur les prix du pétrole, malgré le récent accord OPEP/Russie, ce qui ferait encore baisser les cours du pétrole puisque le carburant dédié à l’aviation représente 7% de la demande mondiale.


    Un nouvel axe géopolitique ?

    Etant donné les différences de gestion de la pandémie et du contrôle de son récit en Chine et aux Etats-Unis, les historiens considéreront-ils cette période comme un point de basculement dans l’équilibre géopolitique entre les Etats-Unis et la Chine ? Ce défi survient alors que certaines démocraties occidentales libérales semblent particulièrement affaiblies par des dirigeants populistes et des questions sur l’ingérence étrangère dans les élections, et que les Etats-Unis se préparent à une élection présidentielle en novembre 2020.

    Les historiens considéreront-ils cette période comme un point de basculement dans l’équilibre géopolitique entre les Etats-Unis et la Chine ?

    Par ailleurs, la solidité de la cohésion de l’Union européenne est mise à l’épreuve. Le temps nécessaire pour apporter une réponse commune à la pandémie dans la zone euro – qui reste limitée par rapport à l’ampleur des dépenses d’urgence proposées en Asie – n’a guère renforcé les arguments des fédéralistes. Malgré un compromis obtenu de haute lutte et l’abandon des « corona bonds », le résultat final pourrait s’avérer efficace grâce à la puissance de feu supplémentaire de la Banque centrale européenne.

    Dans les marchés émergents, l’impact de la baisse des prix du pétrole va probablement générer des trajectoires de croissance très différentes, mettant à l’épreuve la vulnérabilité économique des producteurs de pétrole et favorisant la reprise des pays importateurs de pétrole, comme l’Inde et la Chine.


    La durabilité à l’heure du Covid-19

    Les dirigeants mondiaux continueront-ils à considérer le changement climatique comme une priorité alors que l’économie sera en récession ou juste en phase de reprise ? La Conférence des Nations unies sur le changement climatique, prévue initialement en novembre, a été reportée à 2021.

    Du point de vue de la science du climat, la crise actuelle va offrir aux chercheurs une occasion unique d’étudier l’impact du comportement humain sur l’environnement. Nous avons la chance d’observer grandeur nature ce qu’il advient des gaz à effet de serre dans l’atmosphère alors que le monde retrouve les niveaux de transport international des années 1950. Les engagements pris pour réduire les gaz à effet de serre seront-ils affaiblis, face au ralentissement des économies ? Ou bien l’expérience de niveaux de pollution plus faibles, y compris dans le monde émergent, et la compréhension des effets positifs sur la croissance économique des investissements dans les infrastructures vertes inciteront-elles à agir davantage ?

    D’innombrables changements sociaux et politiques, d’habitudes de consommation et de demandes technologiques se profilent, ne serait-ce que parce que nous chercherons, à titre personnel, au niveau national et mondial, à être mieux préparés la prochaine fois.

    Les habitants de nombreuses villes ayant bénéficié d’un air plus pur grâce aux mesures de confinement, la tolérance du public face à un retour au statu quo risque de diminuer et la reconnaissance de l’impact de la pollution atmosphérique sur la santé publique augmentera. La recherche établit maintenant un lien entre l’exposition à la pollution et la propagation et le taux de mortalité du Covid-19, au travers des effets de la pollution atmosphérique sur la réponse immunitaire de l’organisme et de ses conséquences négatives sur l’état de santé des personnes. Un examen des causes de la crise et des facteurs favorisant celle-ci pourrait donner un nouvel élan aux efforts visant à renforcer les contrôles des émissions, notamment dans les transports.

    En outre, les mesures de relance budgétaire pourraient donner un coup de fouet aux infrastructures vertes. Dans l’UE, du moins, il semble probable que tout programme de soutien à long terme sera aligné sur le « Pacte vert » pour l’Europe annoncé l’année dernière. Ailleurs, une augmentation de la disponibilité de prêts et de capitaux à faible coût rendra plus attractifs les investissements dans l’efficacité énergétique et les technologies renouvelables, qui nécessitent tous deux une mise de fonds initiale mais offrent un rendement économique positif.

    Du point de vue de la durabilité du modèle économique, la pandémie met en évidence la faiblesse des infrastructures et la nécessité d’investir davantage. Jusqu’à présent, les plans de continuité des activités supposaient que toute fermeture forcée d’un site ou de bureaux d’une entreprise serait compensée par d’autres sites et n’envisageaient pas la possibilité que tous les sites soient mis hors service simultanément. La durabilité de nombreuses entreprises sera examinée de manière nouvelle et permettra aux plus agiles de se démarquer, y compris parmi les entreprises du secteur technologique.

    Dans l’ensemble, nous observons avec attention le redémarrage économique de la Chine et de l’Asie, non seulement du point de vue épidémique, mais aussi pour identifier l’évolution des préférences des consommateurs, de leurs intérêts et les opportunités éventuelles.

    D’innombrables changements sociaux et politiques, d’habitudes de consommation et de demandes technologiques se profilent, ne serait-ce que parce que nous chercherons, à titre personnel, au niveau national et mondial, à être mieux préparés la prochaine fois.

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