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    Tout miser sur le « net-zéro » – entretien avec Thomas Hohne-Sparborth

    Tout miser sur le « net-zéro » – entretien avec Thomas Hohne-Sparborth

    Article publié dans Handelszeitung le 28 septembre 2023

    Les objectifs ambitieux de l’Union européenne, à savoir la réduction de 55% des émissions de CO2 polluantes d’ici 2030 et, dans un deuxième temps, la neutralité climatique totale d’ici 2050, s’appuient sur un large éventail de mesures de décarbonation. Celles-ci portent sur l’économie réelle, les marchés financiers et également la politique monétaire (voir encadré).

    L’électorat suisse a déjà approuvé la loi sur le climat et l’innovation en juin 2023. Cette loi oblige la Suisse à réduire également la consommation énergétique du pays pour atteindre la neutralité climatique d’ici 2050. Les entreprises et les propriétaires immobiliers bénéficient à cet égard d’un soutien financier et d’autres mesures incitatives de la part de la Confédération afin d’accélérer l’adoption de systèmes respectueux du climat.

    Cette législation pionnière a fait suite à l’ordonnance relative au rapport sur les questions climatiques, déjà en vigueur, qui a été adoptée en Suisse en novembre 2022. Elle s’adresse aux grandes entreprises employant plus de 500 personnes, dont le total du bilan est supérieur à CHF 20 millions et dont le chiffre d’affaires annuel dépasse CHF 40 millions. A partir de 2024, elles devront obligatoirement mettre en œuvre les recommandations de la Task Force on Climate-related Financial Disclosure (TCFD) et fournir des informations détaillées sur les questions climatiques.

    Les exigences croissantes imposées aux entreprises en matière de publication de leur politique d’émissions et d’alignement sur les objectifs « net-zéro » comportent des risques et ne se concrétiseront pas sans frictions ni ajustements

    Ces informations financières relatives au climat selon la TCFD aideront à leur tour les investisseurs à adopter les Swiss Climate Scores : une série d’indicateurs de bonnes pratiques destinés aux investisseurs et basés sur les recommandations de la TCFD. Ces scores visent à accroître la transparence en matière d’impact climatique des placements financiers et à déterminer le degré d’alignement des fonds d’investissement sur l’Accord de Paris. Ils soutiennent également les décisions d’investissement qui contribuent à ces objectifs.

    L’un de ces Swiss Climate Scores est le « potentiel de réchauffement global » ou Implied Temperature Rise (ITR). Cet indicateur, exprimé en degrés Celsius, estime ainsi l’ampleur du réchauffement climatique qui se produirait si l’économie mondiale dans son ensemble avait la même performance climatique que l’actif évalué, qu’il s’agisse d’un bien immobilier, d’une entreprise ou d’un portefeuille.

    Lire aussi : Comment sélectionner les entreprises pour des portefeuilles « net zéro »

     

    Les risques de la transition

    Les exigences croissantes imposées aux entreprises en matière de publication de leur politique d’émissions et d’alignement sur les objectifs « net-zéro » comportent bien entendu des risques et ne se concrétiseront pas sans frictions ni ajustements. Mais il n’y a pas d’autre issue, car l’inaction pourrait entraîner de nombreuses conséquences : les entreprises qui se refusent à publier leurs performances climatiques risquent de lourdes sanctions de la part des autorités fédérales suisses ou européennes. De plus, elles pourraient voir leur demande diminuer, car la clientèle exprime le besoin de s’orienter vers des biens et des services respectueux de l’environnement. Cela pourrait jouer sensiblement en faveur de la concurrence qui offrirait au marché plus de transparence, s’orienterait davantage vers la décarbonation et répondrait aux attentes « vertes » de la clientèle. En outre, les entreprises réfractaires aux réformes dépendent de crédits d’émission de plus en plus chers sur le marché du carbone – au lieu d’investir davantage de moyens dans la décarbonation de leur propre entreprise et d’échapper ainsi à d’éventuelles poursuites en responsabilité qui pourraient être engagées en cas de manquement en la matière.

    Pour s’aligner en tant qu’investisseur sur les objectifs « net-zéro » et sur la politique climatique, et pour orienter l’ensemble d’un portefeuille d’investissement vers des émissions nettes nulles, une stratégie de placement reposant uniquement sur l’empreinte carbone ne suffit pas

    Les investisseurs ne se focalisent pas sur l’empreinte carbone

    Pour s’aligner en tant qu’investisseur sur les objectifs « net-zéro » et sur la politique climatique, et pour orienter l’ensemble d’un portefeuille d’investissement vers des émissions nettes nulles, une stratégie de placement reposant uniquement sur l’empreinte carbone ne suffit pas. En effet, une telle empreinte ne fournit que des données rétrospectives et des informations sur les émissions déjà émises. Mais un investisseur qui se concentre sur la décarbonation à l’horizon 2050 doit comprendre le potentiel futur de réduction des émissions d’une entreprise. Pour cela, il est indispensable d’avoir une vision prospective qui tienne compte des aspects suivants :

    – la crédibilité des plans et de la stratégie de décarbonation d’une entreprise
    – l’analyse et la classification des émissions en

    • Scope 1 (émission directe de gaz à effet de serre dans l’entreprise)
    • Scope 2 (émission indirecte de gaz à effet de serre par les fournisseurs d’énergie)
    • Scope 3 (émission indirecte de gaz à effet de serre dans la chaîne d’approvisionnement en amont et en aval)
    • Scope 4 (prévention des émissions de gaz à effet de serre)

    – l’impact des nouvelles technologies et des mesures politiques sur la décarbonation
    – les progrès réalisés par les entreprises dans la réalisation des objectifs de réduction des émissions, lorsque de nouvelles données sont disponibles.

    De telles informations prospectives permettent à l’investisseur de réévaluer en permanence les opportunités et les risques liés aux émissions de carbone et d’améliorer le positionnement de l’ensemble de son portefeuille en vue d’une transition vers le « net-zéro ».

    Lire aussi : Aller au-delà de l'ESG

    Plan industriel du Pacte vert : un cadre reposant sur quatre piliers pour la transformation de l’industrie :

     

    • Un environnement réglementaire prévisible et simplifié
    • Un accès plus rapide au financement
    • Le renforcement des compétences
    • L’ouverture des échanges commerciaux pour des chaînes d’approvisionnement résilientes

    - Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières : des taxes sur la teneur en CO2 des produits importés seront introduites à partir de 2026.
    - Programme d’achat d’entreprises par la BCE : la Banque centrale européenne n’investit que dans les entreprises qui mettent en œuvre des plans visant à atteindre des objectifs de décarbonation crédibles.
    - Système d’échange de quotas d’émission : le plus grand marché de conformité au monde, où les prix du carbone ont atteint EUR 100 la tonne cette année.
    - Capital Requirements Regulation (CRR) et directive sur les rapports de durabilité des entreprises (CSRD) : la CRR oblige les grandes institutions financières à publier des données relatives au climat. A partir de 2024, la CSRD obligera toutes les entreprises cotées en bourse à communiquer des données sur leurs émissions, la Task Force on Climate-related Financial Disclosure (TCFD) étant considérée comme la norme en matière de bonnes pratiques.
    - Règlement sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers (SFDR) : pour évaluer la durabilité d’une entreprise, les investisseurs doivent prendre en compte les indicateurs des principales incidences négatives – et un nombre considérable d’entre eux visent à mesurer l’impact climatique.
    - Swiss Climate Scores
    - Le Greenhouse Gas Protocol (en français : protocole sur les gaz à effet de serre) a élaboré dès 2011 un modèle qui est aujourd’hui utilisé par plus de 90% des 500 plus grandes entreprises américaines (entreprises du Fortune Global 500). Il a été élaboré avec la participation de plusieurs ONG et de scientifiques. Le protocole GES divise les émissions en 3 domaines : scope 1, 2 et 3.

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