Assureurs et gérants d’actifs non cotés : un mariage de raison

Mauro Carli - Senior Equity Research Analyst, Insurance and Asset Management
Mauro Carli
Senior Equity Research Analyst, Insurance and Asset Management
Assureurs et gérants d’actifs non cotés : un mariage de raison

points clés.

  • Les stratégies financières des gérants d’actifs non cotés et des assureurs se recoupent de plus en plus, ce qui génère de nouveaux risques, mais aussi des opportunités
  • Ces dix dernières années, les assureurs ont doublé leurs allocations aux actifs non cotés en réponse à la faiblesse des rendements et à la rareté des obligations de duration longue
  • Les gérants d’actifs alternatifs prennent des participations dans des compagnies d’assurance-vie nord-américaines ou gèrent leurs actifs, tandis qu’en Europe les collaborations reposent sur le transfert de portefeuilles existants et sur des accords de partage des risques
  • Cette tendance soulève des questions concernant la réglementation et le risque. Les actifs non cotés peuvent rehausser les performances des assureurs. Ils constituent néanmoins une source d’inquiétude en matière de valorisation, de qualité de crédit et de conflits d’intérêts que nous surveillons attentivement.

Avec l’augmentation progressive des investissements des compagnies d’assurance dans les gérants d’actifs non cotés, un nouvel écosystème financier prend forme. Les gérants d'actifs non cotés se concentrent sur l'amélioration des performances attendues, tandis que les structures à forte intensité capitalistique des assureurs sont conçues pour protéger les actifs des clients. Malgré cette différence, les deux modèles financiers se recoupent de plus en plus. Nous examinons les raisons de cette convergence, ainsi que les opportunités et les risques qui en découlent.

Ces dix dernières années, les allocations du secteur de l’assurance aux actifs non cotés ont plus que doublé en Amérique du Nord et en Europe. Sur plus de USD 40’000 milliards d’actifs inscrits au bilan des assureurs mondiaux fin 2024, plus d’un tiers des portefeuilles des émetteurs nord-américains et environ un cinquième de ceux de leurs homologues européens étaient composés d’actifs non cotés. Les allocations européennes plus « traditionnelles » sont aujourd’hui principalement tournées vers des investissements immobiliers directs et des hypothèques, les assureurs nord-américains comptant pour leur part parmi les plus grands investisseurs institutionnels en crédit privé, notamment dans les titres de dette structurés.

Par ailleurs, la part des compagnies d’assurance nord-américaines détenues par des gérants d’actifs non cotés a atteint 19% fin 2024, contre 12% en 2018, d’après la National Association of Insurance Commissioners aux Etats-Unis et la Commission de l’assurance-emploi au Canada. Les actifs gérés par ces assureurs totalisaient environ USD 610 milliards.

Ces dix dernières années, les allocations du secteur de l’assurance aux actifs non cotés ont plus que doublé en Amérique du Nord et en Europe

Les investissements stratégiques des gérants d’actifs non cotés se concentrent sur les compagnies d’assurance-vie d’Amérique du Nord, qui fonctionnent généralement selon un modèle à la marge ou à la commission. Les modèles à la marge transfèrent généralement les actifs et les passifs de duration longue (les réserves) au gérant d’actifs. Celui-ci peut donc percevoir un spread de rendement correspondant à la différence entre le rendement moyen des actifs du portefeuille d’investissement (le rendement courant) et le taux crédité moyen accordé aux détenteurs des contrats d’assurance-vie (les passifs). C’est un modèle à forte intensité capitalistique, car tous les risques relevant de l’assurance et de l’investissement sont intégrés au bilan du gérant d’actifs non cotés.

Le modèle à commission est moins intensif en capital : la compagnie d’assurance-vie conserve les risques liés aux actifs et aux passifs actuariels dans son propre bilan et verse des commissions au gérant d’actifs alternatifs pour la gestion soit de son compte général soit d’un mandat distinct (actifs hors bilan).

En Europe, la situation est différente. Plutôt que d’acheter des compagnies d’assurance dans leur intégralité, les gérants d’actifs alternatifs tendent à reprendre des actifs d’assurance. Ces partenariats entre compagnies d’assurance-vie et gérants d’actifs non cotés ne sont ni des fusions totales ni des fusions partielles. L’idée est au contraire de transférer les contrats d’assurance-vie existants qui ne sont plus vendus (« portefeuilles en run-off », c’est-à-dire les portefeuilles devant être liquidés), ou de nouer des accords de partage des risques entre assureurs et réassureurs. Au cours des cinq dernières années, cette approche a permis aux compagnies d’assurance-vie européennes d’effacer plus de EUR 300 milliards de passifs de leurs bilans.

Pourquoi les actifs non cotés sont-ils attractifs aux yeux des assureurs ?

Le modèle d’affaires des assureurs repose sur la gestion actif-passif : les primes sont investies dans des instruments financiers générateurs de revenus afin d’aligner les cash flows et les passifs de duration longue sur les obligations futures, à savoir les sinistres et les indemnisations dues aux assurés. Sur des marchés où abondaient les obligations de duration longue offrant des rendements attractifs, les instruments financiers suffisaient aux compagnies d’assurance pour couvrir l’intégralité de leurs passifs. Aujourd’hui en revanche, le niveau obstinément bas des rendements et la relative rareté des obligations cotées de duration longue compliquent la donne.

C’est la raison pour laquelle les assureurs s’intéressent aux actifs non cotés : des actifs illiquides détenus sur la durée, principalement sous la forme d’instruments de crédit structurés non cotés, peuvent couvrir les passifs des assureurs et générer des rendements ajustés au risque supérieurs à ceux d’instruments de crédit cotés de qualité ou de notation identiques. Certains types de crédit non coté, notamment les investissements directs dans l’immobilier, offrent souvent des garanties plus solides et permettent aux assureurs d’ajuster les structures de prêt pour les faire correspondre au mieux à leurs passifs. De plus, ces actifs diversifient les sources de cash flow au-delà des obligations traditionnelles, dont un grand nombre sont adossées à des revenus liés à l’immobilier.

Pourquoi les gérants d’actifs alternatifs s’intéressent-ils au secteur de l’assurance ?

Les compagnies d’assurance-vie appliquent un levier significatif à leurs actifs car elles cherchent à couvrir leurs passifs par des actifs de même duration. Elles sont donc particulièrement attractives aux yeux des gérants d’actifs alternatifs, en quête de nouvelles sources d’actifs. Les actifs d’assurance constituent des capitaux plus stables et permanents que les fonds traditionnels, car les titulaires de contrats d’assurance-rente, par exemple, ne peuvent pas retirer leurs fonds. Parallèlement, la longue duration des passifs des assureurs les oriente vers des actifs illiquides, notamment la dette privée, qui offrent des performances supérieures à celles des marchés cotés. A noter également que les assureurs présentent des cash flows résilients et des dividendes stables.

Prise en compte trop faible du risque et de la réglementation

La convergence entre le secteur de l’assurance et celui des actifs non cotés a donné naissance à un écosystème financier qui, fin 2024, gérait USD 58’000 milliards d’actifs, dont USD 12’000 milliards d’actifs non cotés, selon S&P Global. Les régulateurs ont exprimé des réserves, notamment quant au risque de valorisations erronées découlant de la nature à long terme et illiquide des actifs non cotés. Ils s’inquiètent également de la qualité de crédit. En effet, dans la mesure où les actifs non cotés ne disposent pas de note de crédit, les assureurs doivent s’en remettre à leur propre évaluation. Partant, il est possible qu’ils sous-estiment le risque inhérent au crédit  privé et son incidence sur les exigences de fonds propres. Enfin, des conflits d’intérêts peuvent survenir lorsqu’un gérant d’actifs alternatifs supervise des actifs non cotés pour le compte d’une entité d’assurance qu’il détient ou contrôle.

Les régulateurs ont exprimé des réserves, notamment quant au risque de valorisations erronées découlant de la nature à long terme et illiquide des actifs non cotés

Les législateurs et les gouvernements du monde entier sont conscients des risques potentiels, mais encouragent la présence d’investissements en actifs non cotés au sein des bilans des assureurs. De tels investissements résultent de la recherche, par les assureurs, d’investissements productifs dans des économies développées qui se caractérisent par de bas rendements et une croissance économique modeste. Les réformes réglementaires récemment mises en œuvre illustrent cette mutation. Au Royaume-Uni, par exemple, les régulateurs permettent aux compagnies d’assurance-vie d’accroître leurs positions en actifs non cotés en transférant les actifs de régimes de retraite à prestations définies, sans capitalisation, vers des régimes à cotisations définies gérés par leurs soins (par exemple à l’aide d’opérations BPA, pour bulk purchase annuity, ou de transfert des risques de retraite). En Amérique du Nord comme en Europe, les compagnies d’assurance-vie peuvent renforcer l’allocation à des participations de long terme offrant des rendements plus élevés, principalement par le biais d’investissements infrastructurels. En Europe, elles seront bientôt autorisées à investir davantage dans des actifs titrisés et pourront ainsi ajouter des crédits de moindre qualité à leurs portefeuilles.

Il est important d’adopter une approche sélective pour investir dans le secteur de l’assurance

Les actifs non cotés constituent désormais une composante essentielle des portefeuilles, tant pour les investisseurs institutionnels que pour les particuliers fortunés, motivés par la diversification, la prime d’illiquidité (performances supérieures générées par l’engagement de capitaux sur une longue période) et la création de valeur sur le long terme. Les compagnies d’assurance-vie étant des investisseurs en quête de rendement soucieux de respecter leurs obligations envers leurs assurés, elles vont probablement continuer à renforcer leurs allocations aux actifs non cotés. Pour autant, ces investissements soulèvent des préoccupations concernant les valorisations et la potentielle sous-estimation des risques. Il est donc important d’adopter une approche sélective pour investir dans le secteur de l’assurance. Nous privilégions les modèles d’affaires à commission étayés par des processus opérationnels efficaces et cherchons à éviter les écosystèmes à forte intensité capitalistique présentant des risques bilantaires élevés.

CIO Office Viewpoint

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