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    Arguments en faveur d’une relance propre en période d’insécurité

    Arguments en faveur d’une relance propre en période d’insécurité
    Dimitri Zenghelis - Project Leader, The Wealth Economy, Bennett Institute, University of Cambridge

    Dimitri Zenghelis

    Project Leader, The Wealth Economy, Bennett Institute, University of Cambridge

    Le monde est confronté à une situation d’urgence médicale majeure. Le nombre de personnes infectées par le COVID -19 s’envole et des milliers de personnes ont déjà perdu la vie. Les sociétés sont de plus en plus décontenancées, tant par les effets sur la santé que par les mesures prises pour contenir l’épidémie. Les entreprises du monde entier souffrent d’un choc simultané de l’offre et de la demande et les conséquences économiques sont profondes. L’OCDE a révisé à la baisse ses prévisions de croissance économique pour 2020, passant des 2,9% prévus en novembre à 1,5%. D’autres révisions à la baisse sont prévisibles.

    La réponse économique doit se concentrer sur le soutien aux personnes en ces temps difficiles. Malgré cette morosité ambiante, il est possible de jeter un regard au-delà de la crise et d’appuyer une transition économique verte dans le cadre de la réponse macroéconomique apportée au coronavirus. Une récession mondiale étant probable au premier semestre 2020, les gouvernements peuvent utiliser la demande d’actifs durables non satisfaite des investisseurs afin d’impulser une relance favorable au climat. Une telle approche peut soutenir les revenus et les emplois aujourd’hui et dans les années qui viennent, une fois que les pires effets du virus se seront atténués.

    Il est possible de jeter un regard au-delà de la crise et d’appuyer une transition économique verte dans le cadre de la réponse macroéconomique apportée au coronavirus.

    La récente épidémie de coronavirus constitue un choc mondial d’offre et de demande. L’offre est limitée car les travailleurs restent chez eux et les chaînes de commerce et de distribution sont perturbées. La demande est mise à mal car la peur et la panique réduisent les dépenses de consommation et provoquent des effets négatifs sur le patrimoine en raison des ajustements à la baisse du prix des actifs. Ces deux effets peuvent rapidement se renforcer mutuellement, car les revenus sont réduits et le crédit et les liquidités s’assèchent. D’où la nécessité d’agir vite.


    Les limites de la politique monétaire ?

    L’efficacité de la politique monétaire est limitée, les taux d’intérêt dans le monde développé étant déjà proches de zéro. La politique monétaire conventionnelle ne fonctionne pas lorsque l’économie est menacée de pénuries de liquidités (des expériences avec des taux négatifs ont été tentées, mais en fin de compte, l’argent peut produire un meilleur rendement sous le matelas). La quasi-absence d’inflation a permis aux banques centrales de baisser leurs taux directeurs pour stimuler l’activité économique.

    Il y a toutefois une autre raison à cet épisode prolongé de faiblesse record des taux. Les taux d’intérêt déterminent le prix de l’épargne et l’investissement sur le marché. Des taux sans risque faibles signalent un excédent d’épargne souhaitée contre un niveau d’investissement souhaité trop faible. La quête de croissance des marchés est si forte qu’ils sont prêts à prêter aux gouvernements sans rien obtenir en retour.


    Tableau 1 :  des rendements médiocres : les taux réels de la courbe des rendements

    9 mars 2020

     

    5 ans

    7 ans

    10 ans

    20 ans

    Courbe des taux réels du Trésor américain*

    -0,32

    -0,39

    -0,45

    -0,42

    Courbe des taux réels au Royaume-Uni**

    -2,92 -2,82 -2,52 -1,85

    * Source : calculs du Trésor américain 
    ** Courbe à l’instant t des taux réels attendus à terme (gilts). Source : calculs de la Banque d’Angleterre (BoE)

     

    Le tableau 1 montre que les marchés des futures s’attendent à ce que les taux réels sans risque restent inférieurs à zéro pendant les décennies à venir. Le marché obligataire ne se contente pas d’intégrer une récession en raison du coronavirus. Il anticipe également des taux directeurs proches de zéro à long terme, marquant une longue période de « stagnation séculaire », où la croissance de la productivité et l’inflation restent modérées et où les intérêts restent au plus bas. Le désendettement, le vieillissement de la population, les inégalités, la vision à court terme et le pouvoir monopolistique croissant des entreprises, ainsi que l’accumulation de réserves de change sont parmi les raisons invoquées pour expliquer la tendance au souhait d’une épargne plus importante et à une moindre productivité. Une plus grande épargne de précaution en cas de pandémie mondiale et de récession est susceptible d’exacerber la pression baissière sur les taux.

    Une plus grande épargne de précaution en cas de pandémie mondiale et de récession est susceptible d’exacerber la pression baissière sur les taux.

    L’opportunité verte

    Cette tendance fournit une occasion de dynamiser l’économie en utilisant le capital à bon escient pour financer une transition verte nécessaire et rentable tout en stimulant l’économie. Les grandes économies risquent de provoquer un « paradoxe de l’épargne » classique. Un tel phénomène se produit lorsque l’épargne et la réduction des coûts sont la réponse rationnelle aux craintes économiques des entreprises individuelles (qui suppriment également des emplois), des banques (qui restreignent le crédit) et des ménages (qui consomment moins). Mais lorsque tout le monde se retire simultanément, la crainte d’une récession prolongée devient une prophétie autoréalisatrice, créant un cercle vicieux de faible demande et de faible investissement. Il faut alors que le gouvernement intervienne et investisse l’épargne nette excédentaire d’un secteur privé de plus en plus anxieux.  Pour ce faire, il emprunte davantage, tout comme le secteur privé épargne davantage.

    Cette tendance fournit une occasion de dynamiser l’économie en utilisant le capital à bon escient pour financer une transition verte nécessaire et rentable tout en stimulant l’économie.

    Les personnes sensées s’inquiéteront à juste titre de l’accumulation de la dette croissante du secteur public dans la plupart des pays riches depuis le krach financier. Mais dans de telles conditions, la dette reste historiquement abordable. En effet, les restrictions budgétaires risquent de compromettre la viabilité de la dette à long terme.

    Avec des taux d’intérêt aussi bas, le coût du service de la dette est abordable pour la plupart des pays. En effet, pour la plupart d’entre eux, le PIB nominal augmente plus vite que l’encours de la dette, même si l’on tient compte des nouveaux emprunts pour couvrir les paiements d’intérêts. La plupart des pays riches peuvent présenter des déficits primaires de l’ordre de 2% du PIB tout en maintenant leur ratio dette/PIB inchangé et donc soutenable.1

    L’emprunt doit être consacré à stimuler la croissance des investissements publics dans les infrastructures vertes, de la R&D, des compétences et de l’éducation. Une fois que l’on ajoute les paiements d’intérêts, la plupart des pays peuvent enregistrer des déficits durables de l’ordre de 4 à 5% du PIB.

    Si la politique parvient à atteindre son objectif de stimuler encore plus le PIB à court terme, comme on peut s’y attendre dans un environnement où la demande est déficiente et où des pénuries de liquidités sont possibles, tandis que l’investissement accroît la capacité de production et génère des rendements positifs à long terme, la dynamique de la dette par rapport au PIB pourrait même s’améliorer. Cela est dû à ce que l’on appelle le multiplicateur budgétaire, selon lequel chaque point de pourcentage du PIB emprunté pour dépenser génère plus d’un point de pourcentage de revenu supplémentaire.

    Des études faisant autorité, réalisées par des économistes de premier plan et le FMI, montrent que les multiplicateurs budgétaires associés aux dépenses publiques fluctuent d’un niveau proche de zéro lorsque l’économie fonctionne presque à pleine capacité jusqu’à environ 2,5 pendant les récessions.  Selon une étude de premier plan, les dépenses publiques en période de récession ne génèrent pas seulement des bénéfices positifs, mais préviennent également les effets négatifs de l’hystérésis sur l’offre future, qui se traduit par l’érosion du capital et la perte de compétences de la main-d’œuvre en raison d’une sous-utilisation prolongée.

    Bien entendu, si elle parvient à générer de la croissance, cette politique devrait conduire à une hausse des taux d’intérêt et du coût du service de la dette à long terme. Mais ce serait alors un symptôme de réussite et, à ce moment-là, les décideurs politiques pourront toujours serrer la vis budgétaire à mesure que l’activité du secteur privé mondial se normalisera. Mais nous n’en sommes pas encore là.


    Le temps est venu

    Dès lors, dans quoi investir ? L’un des problèmes est que, pour être efficace, une relance budgétaire rapide nécessite des investissements dans des programmes prêts à l’emploi. Il est souvent difficile de mettre en œuvre à court terme des investissements publics qui investissent dans la croissance à long terme. Une action urgente est donc nécessaire.

    Au cours de la crise financière mondiale de 2009, les gouvernements se sont lancés dans une série de programmes de relance écologique représentant 16,3% de la totalité des impulsions données aux finances publiques2. Cette fois-ci, les gouvernements peuvent se montrer plus ambitieux, car les options disponibles sont moins chères et plus faciles à mettre en œuvre. Ces investissements comprennent l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments, les nouveaux logements neutres en carbone, les énergies renouvelables et les mécanismes connectés de réponse à la demande, les transports publics et les véhicules électriques. Il faudra également redonner des outils et des compétences à ceux dont les moyens de subsistance sont menacés par l’abandon de la production à forte intensité de carbone.
     

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    Cependant, une action rapide s’impose. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a récemment averti que, bien que l’épidémie de coronavirus contribue à réduire les émissions mondiales de carbone cette année, elle menace de miner les investissements dans les énergies propres. Selon Bloomberg New Energy Finance, 2020 pourrait être l’année où la capacité mondiale d’énergie solaire chutera pour la première fois depuis les années 1980, suite aux réductions de la production chinoise.

    Si les gouvernements agissent rapidement et saisissent l’opportunité qui se présente, les bases peuvent être jetées pour une transition irréversible vers une économie soutenable grâce à une relance verte coordonnée.

    Notant que 70% des investissements mondiaux dans les énergies propres sont motivés par des considérations politiques, Fatih Birol, directeur exécutif de l’AIE, prévient : « Nous disposons d’une importante fenêtre d’opportunités. Les grandes économies du monde entier préparent des plans de relance. Un plan de relance bien conçu pourrait offrir des avantages économiques et faciliter la rotation du capital énergétique, ce qui présente d’énormes avantages pour la transition vers les énergies propres ».

    Les perspectives économiques sont très incertaines, mais si les gouvernements agissent rapidement et saisissent l’opportunité qui se présente, les bases peuvent être jetées pour une transition irréversible vers une économie soutenable grâce à une relance verte coordonnée.

    1 L’équation standard pour la dynamique de la dette est la suivante :
    Variation de d = -p + (r — g)*d(-1)
    d = dette/PIB, p est le solde budgétaire primaire (dette publique après paiement des intérêts), r est le taux d’intérêt et g le taux de croissance du PIB nominal. Ainsi, toutes choses égales par ailleurs, si une économie croît plus vite que le taux d’intérêt appliqué à l’encours de sa dette, son ratio dette/PIB diminuera. Cela s’explique par le fait que le numérateur (la dette) croît plus lentement que le dénominateur (le PIB). Dans la plupart des pays, g est d’environ 4% et r d’environ 2%, ce qui suggère que les pays peuvent avoir des déficits primaires de l’ordre de 2% du PIB tout en maintenant leur dette/PIB inchangée.

    2 Robins, Nick, Robert Clover, et D Saravanan (2010), Delivering the green stimulus, HSBC Global Research, New York, 9 mars

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