français

    FT Rethink

    La crise ukrainienne place l’Europe à la croisée des chemins en matière d’énergie

    La crise ukrainienne place l’Europe à la croisée des chemins en matière d’énergie

    L’invasion de l’Ukraine par la Russie a mis en évidence le rôle essentiel de ce pays comme fournisseur de pétrole et de gaz. Comment cela affectera-t-il la course à la décarbonisation ?

    L’année dernière, près de 40% du gaz qui a approvisionné les entreprises et les ménages européens provenait de Russie.1 Il en va de même pour 46% du charbon utilisé pour produire de l’électricité et alimenter l’industrie lourde, et pour 27% du pétrole destiné aux transports et aux applications industrielles. En fait, sur l’ensemble des biens et des produits de base que la Russie a exporté vers l’Union européenne l’année dernière, l’énergie s’est taillée la part du lion représentant 62% du total des importations, pour une valeur de 99 milliards d’euros.

    L’invasion de l’Ukraine par la Russie a remis en question cette stratégie. Premièrement, l’Europe peut-elle se permettre une telle dépendance d’approvisionnements vitaux provenant d’une source aussi hostile et instable ? L’Europe doit-elle financer le régime russe de cette manière ? La réponse à ces deux questions, selon la plupart des analystes, est un non catégorique.

    Lors du lancement d’une nouvelle stratégie énergétique en mars, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a déclaré : « Nous devons devenir indépendants du pétrole, du charbon et du gaz russes. Nous ne pouvons tout simplement pas compter sur un fournisseur qui nous menace ouvertement. Nous devons agir maintenant pour atténuer l’impact de la hausse des prix de l’énergie, diversifier notre approvisionnement en gaz pour l’hiver prochain et accélérer la transition vers une énergie propre. »2

    La crise ukrainienne souligne un problème de longue date pour les gouvernements : comment éliminer progressivement les combustibles fossiles

    Cela sera plus facile pour certains pays que pour d’autres. Les Etats-Unis n’importent plus de pétrole russe3, et le Royaume-Uni a déclaré qu’il cesserait ses importations d’ici la fin de l’année4. Mais pour les nations disposant de peu de ressources nationales, la Russie restera probablement une source vitale – bien qu’impopulaire – pendant un certain temps. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a notamment accusé l’Allemagne de continuer à payer « le prix du sang » pour l’énergie russe. L’Allemagne affirme qu’elle n’a pas le choix, que fermer les robinets de l’énergie sans alternative viable paralyserait l’industrie allemande et plongerait le pays, et probablement le continent tout entier, dans une crise économique5. Selon une étude récente, un arrêt total de l’approvisionnement en gaz russe coûterait à l’Allemagne 12% de sa production annuelle, soit quelque 429 milliards d’euros.6

    Lire aussi : Choc d’offre énergétique et nouvelles réalités géopolitiques

    La crise ukrainienne souligne un problème de longue date pour les gouvernements : comment éliminer progressivement les combustibles fossiles. A long terme, il s’agit d’une mesure nécessaire pour lutter contre le changement climatique. Mais la poudrière ukrainienne met également en évidence les avantages politiques du développement de sources d’énergie indépendantes.

    …la poudrière ukrainienne met également en évidence les avantages politiques du développement de sources d’énergie indépendantes

    La situation reste volatile. Fin avril, la Russie a interrompu les livraisons de gaz à la Pologne et à la Bulgarie7 parce que ces pays refusaient de payer en roubles, ce qui a fait monter les tensions et les prix. Début mai, l’Ukraine a interrompu l’acheminement du gaz par un point de transit par lequel passe environ un tiers du gaz que la Russie fournit à l’Europe8.

    Le problème n’est pas nouveau. Au cours des dernières décennies, une série de crises internationales a provoqué une flambée des prix du pétrole et d’autres sources d’énergie et a suscité des discussions sur la nécessité d’abandonner les combustibles fossiles. Plus récemment, cette situation s’est reproduite lorsque la Russie a envahi et annexé la Crimée en 2014.

    Pour des responsables politiques tels qu’Ursula von der Leyen, la réponse réside dans des alternatives plus vertes. « Plus vite nous passerons aux énergies renouvelables et à l’hydrogène, alliés à une plus grande efficacité énergétique, plus vite nous atteindrons une véritable indépendance et maîtriserons notre système énergétique », a-t-elle déclaré en mars. Ces propos réjouissent les défenseurs de l’environnement et des énergies renouvelables, qui affirment que la crise ukrainienne montre la nécessité d’accélérer les plans de décarbonisation de la société et de l’économie.

    Même les pays moins dépendants de la Russie, comme le Royaume-Uni, reconnaissent que les investissements dans les ressources renouvelables nationales…peuvent préserver le pays de la flambée des prix de l’énergie

    Lire aussi : Les Chroniques CLIC®: Un futur propulsé à l’hydrogène ? La voie vers une énergie plus propre

    Même les pays moins dépendants de la Russie, comme le Royaume-Uni, reconnaissent que les investissements dans les ressources renouvelables nationales, comme l’énergie éolienne, peuvent préserver le pays de la flambée des prix de l’énergie. « La vérité pure et simple c’est que plus nous produirons de l’énergie propre et bon marché à l’intérieur de nos frontières, moins nous serons exposés aux prix exorbitants des combustibles fossiles fixés par des marchés mondiaux que nous ne pouvons pas contrôler », a déclaré Kwasi Kwarteng9, secrétaire d’Etat britannique aux affaires et à l’énergie. Mais il ne s’agit pas seulement des énergies renouvelables. La Grande-Bretagne est l’un des pays d’Europe qui envisagent avec un regain d’intérêt les nouvelles capacités nucléaires.

    La crise ukrainienne a également affecté le système européen d’échange de quotas d’émission, ainsi que l’achat et la vente de crédits carbone

    La crise ukrainienne a également affecté le système européen d’échange de quotas d’émission, ainsi que l’achat et la vente de crédits carbone. Au cours des premières semaines de l’invasion, le prix des permis de carbone a fortement chuté10, mais il s’est depuis partiellement redressé. On ignore encore si le prix du carbone, connu pour son caractère imprévisible, atteindra un niveau susceptible de susciter des investissements importants.

    Lire aussi : La hausse de l’inflation et l’enlisement du conflit ukrainien freinent les perspectives de croissance en 2022

    Lorsque les prix de l’énergie augmentent, nous avons tendance à privilégier les sources fossiles bon marché au détriment des sources vertes. Le gaz pourrait facilement être remplacé par le charbon, plus intensif en carbone, dans la production d’électricité. L’Allemagne a déjà reporté la fermeture de certaines centrales électriques au charbon. Et, en réponse aux critiques de certains politiciens qui ont profité de la crise énergétique pour remettre en cause leurs engagements en faveur du climat, le gouvernement britannique s’est engagé à réexaminer l’extraction du gaz de schiste, également connue sous le nom de « fracking ».

    Les experts se montrent dubitatifs sur cette option. Le professeur Andrew Aplin, géologue à l’université de Durham, explique que « le gaz de schiste n’aurait une incidence significative sur les importations britanniques uniquement si, au cours des prochaines années, des milliers de puits étaient forés avec succès sur des centaines de sites dans le nord de l’Angleterre. Ce scénario n’est pas réaliste, et le gaz de schiste ne peut donc pas modifier de manière significative notre approvisionnement énergétique au cours des prochaines années, même si le public approuve la fracturation hydraulique. »11

    Les énergies renouvelables sont un choix plus fiable, selon les détracteurs. C’est un choix qui divise de nombreux décideurs politiques, alors qu’un nombre croissant de consommateurs prennent conscience de la provenance de leur énergie – et de son coût financier et humain.

     

    1 https://ec.europa.eu/info/news/focus-reducing-eus-dependence-imported-fossil-fuels-2022-apr-20_en
    https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_22_1511
    3 https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2022/03/08/fact-sheet-united-states-bans-imports-of-russian-oil-liquefied-natural-gas-and-coal/
    4 https://www.gov.uk/government/speeches/statement-on-the-phasing-out-of-russian-oil-imports#:~:text=The%20UK%20joins%20key%20allies,imposed%20on%20a%20G20%20nation.
    5 https://www.bbc.co.uk/news/business-61164894
    6 https://www.ft.com/content/2f860359-7fa0-4b79-aa47-f5a55606ce33
    7 https://www.bbc.co.uk/news/world-europe-61240499
    8 https://www.politico.eu/article/ukraine-cuts-russian-gas-flowing-to-europe-via-key-pipeline-sections/
    9 https://www.gov.uk/government/news/major-acceleration-of-homegrown-power-in-britains-plan-for-greater-energy-independence
    10 https://www.theguardian.com/environment/2022/mar/02/eu-carbon-permit-prices-crash-after-russian-invasion-of-ukraine
    11 https://www.sciencemediacentre.org/expert-reaction-to-arguments-about-fracking-for-uk-energy-security/

    Information Importante

    Le présent document de marketing a été préparé par Banque Lombard Odier & Cie SA ou une entité du Groupe (ci-après « Lombard Odier »). Il n’est pas destiné à être distribué, publié ou utilisé dans une juridiction où une telle distribution, publication ou utilisation serait interdite, et ne s’adresse pas aux personnes ou entités auxquelles il serait illégal d’adresser un tel document.

    En savoir plus.

    parlons-nous.
    partager.
    newsletter.