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    Le long périple vers l’aviation zéro émission

    Le long périple vers l’aviation zéro émission

    L’aviation reste l’un des secteurs les plus difficiles à décarboner. Alors que de nouvelles technologies sont en cours de développement, les solutions économiques pour propulser un avion commercial aussi efficacement que le combustible fossile sont peu nombreuses pour l’heure. Et c’est bien là le nœud du problème. 

    Avant que la pandémie ne cloue au sol la flotte mondiale de transport de passagers, l’aviation était responsable d’environ 2,4% des émissions mondiales. Si l’on tient compte des effets non carbonés tels que l’oxyde d’azote et les traînées de condensation (nuages de vapeur glacée laissées dans le sillage d’un avion), l’impact environnemental de l’aviation s’élève à environ 3,5%, selon le Centre for Aviation, Transport and the Environment de l’Université métropolitaine de Manchester.

    D’autres secteurs agissent plus rapidement pour réduire leur impact carbone. La part de l’aviation ne cessera pour sa part d’augmenter.

    Bien que les émissions de CO2 par vol commercial aient diminué de 54% depuis 1990 grâce à l’amélioration des moteurs et des opérations, le volume total a augmenté de 34% au cours des cinq dernières années en raison de la hausse du trafic aérien. 

    …les solutions économiques pour propulser un avion commercial aussi efficacement que le combustible fossile sont peu nombreuses pour l’heure

     

    D’ici 2050, 10 milliards de passagers devraient parcourir 20’000 millions de km. C’est donc une énorme quantité de carbone supplémentaire qui sera rejetée dans l’atmosphère, à l’heure où la nécessité de réduire les émissions devient de plus en plus impérieuse.

    D’autres solutions sont en cours de développement. Si les voitures électriques ont fait de nombreux adeptes, dans le secteur aéronautique, les batteries peinent à s’imposer, essentiellement du fait de leurs faibles puissance et densité énergétique.

    L’E-fan X1 d’Airbus et Rolls-Royce envisage des concepts d’électrification hybride pour les vols long-courriers. L’un des quatre réacteurs serait ainsi remplacé par un moteur électrique de 2 MW alimenté par une turbine à gaz et un ensemble de batteries. Quant à l’autre géant de l’aviation, Boeing, il est en train de développer, en collaboration avec la NASA, un engin appelé le « SUGAR Volt »2 : les moteurs ont été conçus pour consommer du carburant lorsque les besoins en puissance sont élevés (comme au décollage) et pour utiliser de l’électricité le reste du temps. Ces deux concepts utilisent des hydrocarbures liquides comme source d’énergie. Ils ne sont donc pas exempts d’émissions, mais ils pourraient ainsi les abaisser.

    Si les voitures électriques ont fait de nombreux adeptes, dans le secteur aéronautique, les batteries peinent à s’imposer, essentiellement du fait de leurs faibles puissance et densité énergétique

    L’électrification complète – dès lors que la batterie est utilisée comme seule source d’énergie – se développe beaucoup plus dans le segment des court et moyen-courriers. Dans le monde entier, plus d’une centaine de projets étudient la mobilité aérienne urbaine3. Uber Elevate, Kitty Hawk Flyer de Google, Lilium Jet : tous proposent des offres d’Adav (aéronefs à décollage et atterrissage vertical) à différents stades de développement, adaptées aux applications de taxi aérien.

    Pour ce qui est des avions d’apparence plus « conventionnelle », EasyJet et Wright Electric développent un avion de 186 places, d’une autonomie de 300 milles marins (NM), qui devrait être mis en service commercial en 2030. Eviation Alice propose un avion d’une autonomie de 440 NM, mais ne pouvant accueillir que neuf passagers. ZeroAvia dispose d’un avion légèrement plus grand pouvant transporter 20 passagers à une distance de 500 NM. Un réservoir d’hydrogène et un groupe motopropulseur à pile à combustible sont toutefois nécessaires pour faire tourner l’hélice. Cet aéronef plus puissant a une meilleure densité énergétique. Les batteries solides offrent une densité énergétique beaucoup plus élevée, mais il faudra des décennies de progrès technologiques avant qu’elles ne soient utilisées dans les vols commerciaux. De plus, tandis que les avions d’aujourd’hui s’allègent à mesure qu’ils consomment leur carburant, un avion alimenté par batterie sera aussi lourd à l’atterrissage qu’au décollage4. Ainsi, même si les avions électriques se profilent à l’horizon des vols court-courriers, les batteries actuelles prennent trop de place et sont trop lourdes pour transporter des centaines de passagers sur des milliers de kilomètres, à moins que les développements technologiques changent de cap d’ici là.

    Les biocarburants sont une autre option possible. Fabriqués à partir de matières premières telles que les plantes, les huiles de cuisson usagées et les déchets urbains et ménagers…

    Les biocarburants sont une autre option possible. Fabriqués à partir de matières premières telles que les plantes, les huiles de cuisson usagées et les déchets urbains et ménagers, ils sont chers, comme tous les carburants durables. Leur prix est deux à quatre fois plus élevé que celui du kérosène standard.

    Frappées par l’effondrement du trafic aérien mondial pendant la pandémie de Covid-19, les compagnies aériennes ne sont guère disposées à débourser plus pour un carburant qui a pu représenter jusqu’à 30% de leurs frais d’exploitation, suivant le prix du pétrole.


    Les groupes environnementaux s’inquiètent également des divergences pour définir les matières premières durables. Certains produits actuellement considérés comme acceptables pourraient au final s’avérer non durables. Cela pourrait être dû au fait qu’il n’y en a pas assez pour répondre à la demande concurrentielle de différents secteurs, comme dans le cas des huiles de cuisson usagées. De même, si la culture de la biomasse destinée aux biocarburants déplace d’autres formes d’agriculture ou, pire, des zones forestières, les conséquences indirectes de ces biocarburants peuvent faire plus de mal que de bien.

    Une autre solution pourrait résider dans les carburants synthétiques, créés artificiellement pour remplacer le kérosène. Mais l’équation n’est pas simple non plus. La création des carburants dits « power-to-liquid » ou e-carburants nécessite d’énormes quantités d’électricité verte, ce qui les rend très coûteux – et il est nécessaire d’investir massivement à la fois dans les énergies renouvelables et dans la production de carburants pour en réduire le coût. Les carburants synthétiques émettent également du carbone, mais uniquement celui qui a été prélevé dans l’atmosphère.

    « Le coût de ces e-carburants dans les années 2030 pourrait être aussi bas que celui des biocarburants à faible coût actuels », a déclaré Daniel Riefer, aviation partner du cabinet de conseil McKinsey. « Mais il n’est pas possible de passer tout de suite à une production à grande échelle. »

    Les e-carburants ont un avantage de poids : à l’instar des biocarburants propres, ils peuvent être versés dans les réservoirs des avions actuels en utilisant les infrastructures existantes. « L’avantage du carburant durable d’aviation est que nous n’avons pas besoin de changer grand-chose », a expliqué Russ Dunn, chief technology officer chez GKN Aerospace.

    D’autres technologies sont envisagées et semblent prometteuses, mais elles impliquent des ajustements plus importants au niveau de la conception.

    L’hydrogène est la seule option possible de carburant zéro émission que nous connaissons actuellement

    GKN, par exemple, travaille également sur la propulsion à l’hydrogène dans le cadre de son programme de carburant durable. L’hydrogène est la seule option possible de carburant zéro émission que nous connaissons actuellement.

    Loin d’être un concept nouveau, il était autrefois au cœur d’un projet américain top secret durant la guerre froide, dont le nom de code était « Project Suntan ».

    A la fin des années 1950, une usine d’engrais située près de West Palm Beach, en Floride, servait de façade à la plus grande usine d’hydrogène liquide au monde, dans le cadre d’un programme clandestin visant à développer un avion espion fonctionnant à l’hydrogène. 

    Elle a été fermée deux ans après le lancement du projet Suntan. Les défis à relever pour fabriquer un avion propulsé à l’hydrogène de la bonne taille et ayant une autonomie suffisante étaient trop importants.

    Plus de 60 ans après, l’hydrogène est de nouveau à l’ordre du jour du secteur aérospatial, même si le projet Suntan se heurte encore à de nombreux obstacles.

    « L’hydrogène est l’une des technologies qui nous permettra de parvenir à nos fins », a déclaré Grazia Vittadini, chief technology officer chez Airbus, qui prévoit de mettre en service un avion à hydrogène sans émissions d’ici à 2035. Ce projet est l’un des fleurons du vaste train de mesures de relance de l’Union européenne adopté suite à la pandémie de Covid-19 afin de rendre son économie plus verte. 

    Si Airbus est convaincue que les freins au projet Suntan pourront être levés d’ici 2050, tout le monde n’est pas de cet avis. 

    La stabilité de l’hydrogène comme carburant pour l’aviation, ainsi que son transport et son stockage soulèvent des préoccupations. Son rival Boeing se montre donc plus prudent quant aux perspectives de l’hydrogène dans l’aviation. « Nous pensons qu’il faudra un certain temps pour que la technologie et les différents aspects de la propulsion à l’hydrogène soient mis au point, avant de pouvoir en faire un usage commercial », a déclaré Sean Newsum, director of environmental strategy chez Boeing Commercial. « Nous pensons que les carburants durables d’aviation représentent une plus grande priorité à court terme. »

    Mais le plus grand frein sera probablement les centaines de milliards d’investissement nécessaires, les investissements à consentir dans de nouveaux avions, des systèmes et de distribution du carburant et la production elle-même.

    L’évolution technologique pourrait être à l’origine d’une partie de la transition vers une économie neutre en carbone. Le choix des consommateurs de tout simplement de moins voyager en avion et de passer leurs vacances dans leur pays pourrait également y contribuer

    Pour les plus gros avions, il n’y a manifestement pas d’autre solution que les carburants liquides.

    Pour le secteur, atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 sera un immense défi.

    En fin de compte, on peut se demander si l’aviation telle que nous la connaissons pourra vraiment être un jour exempte d’émissions. L’évolution des habitudes de consommation, déjà observée à la suite de la pandémie de Covid-19, et l’impact des nouvelles taxes à la consommation sur les vols court-courriers pourraient entraîner dans leur sillage des changements de mentalités. L’évolution technologique pourrait être à l’origine d’une partie de la transition vers une économie neutre en carbone. Le choix des consommateurs de tout simplement de moins voyager en avion et de passer leurs vacances dans leur pays pourrait également y contribuer. Atteindre la neutralité carbone nécessite de repenser l’ensemble de ces stratégies.

     

    1 https://www.airbus.com/innovation/zero-emission/electric-flight/e-fan-x.html
    https://www.boeing.com/features/innovation-quarterly/aug2017/feature-technical-sugar.page
    https://www.rolandberger.com/en/Insights/Publications/Mapping-autonomous-urban-air-mobility's-progress.html
    4 Sparks, E. (2020), « Will sustainable air travel ever be possible? » (pourrons-nous un jour voyager en avion de façon soutenable ?), Lonely Planet. Disponible ici.

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