Pollution plastique : le revers du traité à Genève et la voie à suivre

Felix Philipp - Responsable de la recherche en économie circulaire et matériaux, Lombard Odier Investment Managers
Felix Philipp
Responsable de la recherche en économie circulaire et matériaux, Lombard Odier Investment Managers
Pollution plastique : le revers du traité à Genève et la voie à suivre

points clés.

  • Les divisions persistent entre les pays voulant limiter la production et ceux misant sur la gestion des déchets
  • La pollution plastique a un coût sanitaire et climatique majeur, bien au-delà de la question des déchets visibles
  • L’absence de traité ambitieux ouvre la voie à des coalitions régionales et à des initiatives décentralisées
  • Les forces du marché, la finance et l’innovation accélèrent déjà la transition vers des alternatives durables.

Le cinquième cycle de négociations en vue d’un traité mondial sur les plastiques s'est achevé sans accord le 15 août à Genève. Après trois ans d’efforts diplomatiques, les pays demeurent profondément divisés sur les approches à adopter pour lutter contre la pollution plastique. Malgré ce revers important, cette rencontre a permis de clarifier quels sont les défis à relever et d’ouvrir de nouvelles voies d’action.

Comprendre l’impasse

Le principal désaccord porte sur la question de savoir s’il faut limiter la production de plastique à la source ou se concentrer principalement, en aval, sur la gestion des déchets et le recyclage. Une « coalition ambitieuse », formée de près de 100 pays, a plaidé en faveur de plafonds de production et d’engagements contraignants sur les additifs dangereux. Un groupe plus restreint mais puissant de pays producteurs de pétrole, dont les États-Unis, la Chine, la Russie et l’Arabie saoudite, a bloqué un traité ambitieux, insistant plutôt sur des solutions en aval.

Le principal désaccord porte sur la question de savoir s’il faut limiter la production de plastique à la source ou se concentrer principalement, en aval, sur la gestion des déchets et le recyclage

Cette division et l’échec des négociations reflètent des réalités économiques et politiques plus profondes. Les produits pétrochimiques sont devenus le segment de la demande pétrolière qui connaît la croissance la plus rapide, représentant 75% de celle-ci. Alors que la demande en carburants pour le transport est en baisse, le secteur pétrochimique représente un pivot essentiel pour les économies productrices de pétrole.

Le processus de négociation fondé sur le consensus a également donné à chaque nation un droit de veto effectif, une approche difficile en période de fragmentation politique et d’érosion des institutions. Les représentants de l’industrie étaient plus nombreux que de nombreuses délégations nationales, les lobbyistes des combustibles fossiles dépassant la représentation combinée de tous les États membres de l’UE. Le projet de texte a gonflé pour atteindre près de 1’500 sections marquant des désaccords, soit quatre fois plus qu’au début de la semaine.

Les enjeux au-delà des déchets

La pollution plastique va bien au-delà des déchets visibles. Des microplastiques sont désormais présents dans les poumons, le sang et le placenta des êtres humains. La revue The Lancet estime les coûts annuels pour la santé à 1’500 milliards de dollars à l’échelle mondiale. Sans intervention, la production de plastique devrait atteindre un milliard de tonnes par an d’ici 2040. La production de plastique contribue à hauteur de 5% aux émissions industrielles de gaz à effet de serre, dépassant ainsi l’aviation. Les taux de recyclage actuels restent inférieurs à 10% à l’échelle mondiale. Chaque jour, 1,1 million de tonnes de plastique sont produites. Et l’équivalent d’un camion poubelle de plastique entre dans les océans chaque minute. Ces chiffres soulignent pourquoi la gestion des déchets seule ne peut résoudre la crise.

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Alternatives émergentes

Malgré les résultats décevants des négociations menées Genève, la dynamique continue de s’amplifier à travers de multiples canaux. Des coalitions régionales se forment entre les pays engagés. L’Union européenne et plusieurs pays font progresser les politiques de responsabilité élargie des producteurs et les exigences obligatoires en matière de contenu recyclé.

Le défi n’est pas technologique, mais systématique: il s’agit d'aligner les politiques, les finances et les pratiques commerciales

Les grandes entreprises reconnaissent que des normes mondiales claires permettraient de sécuriser les marchés, au lieu de les menacer. Elles comprennent que la sécurité réglementaire favorise les investissements à long terme dans des alternatives durables. Une analyse de l’ONU indique que les solutions existantes pourraient réduire la pollution plastique de 80% d'ici 2040. Le défi n’est pas technologique, mais systématique: il s’agit d'aligner les politiques, les finances et les pratiques commerciales.

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Leçons et opportunités

L’expérience de Genève met en évidence la manière dont les institutions conçues pour une époque révolue peinent à relever les défis contemporains. Lorsque les règles de consensus permettent à de petites minorités de bloquer des progrès qui concernent des milliards de personnes, une réforme s’impose. Les négociations futures pourraient bénéficier de mécanismes de vote ou de « coalitions de volontaires » pouvant fonctionner sans accord universel.

L’accent doit être mis non plus sur la gestion des déchets, mais sur des stratégies globales d’économie circulaire. Cela implique de concevoir des produits durables, de développer des alternatives biosourcées et de créer des incitations économiques qui rendent les choix durables rentables. La suppression des subventions pour le plastique vierge et le soutien aux infrastructures de recyclage permettraient d’uniformiser les règles du jeu.

Lorsque les règles de consensus permettent à de petites minorités de bloquer des progrès qui concernent des milliards de personnes, une réforme s’impose

Les modèles d’investissement montrent déjà que le marché reconnaît cette transition. Les entreprises qui développent des alternatives attirent de plus en plus de capitaux. L’innovation se poursuit dans le domaine de la science des matériaux et des modèles commerciaux, indépendamment des négociations des traités.

Un nouvel essor

Les gouvernements nationaux peuvent mettre en œuvre des limites de production et des normes de conception par le biais d’accords régionaux. Les programmes de responsabilité élargie des producteurs peuvent transférer les coûts aux fabricants, ce qui incite à améliorer la conception. Les politiques d’approvisionnement peuvent créer une demande pour des alternatives.

Les preuves sanitaires justifient à elles seules une action. À mesure que l’on comprendra mieux l’impact du plastique sur la biologie humaine, la pression publique s’intensifiera. Le précédent de la réglementation du tabac montre comment la résistance initiale de l’industrie a fini par céder la place à des mesures de santé publique.

Les institutions financières reconnaissent de plus en plus les risques liés au plastique dans leurs portefeuilles. Les compagnies d’assurance sont confrontées à une augmentation des demandes d’indemnisation pour dommages causés par la pollution. Ces forces du marché pourraient accélérer le changement plus rapidement que les négociations internationales.

Une voie pragmatique

Le résultat obtenu à Genève déçoit ceux qui espéraient une action mondiale immédiate, mais il libère les acteurs volontaires de l’attente d’un consensus. Avec le recul, l’absence de traité pourrait être préférable à un traité sans ambition. Les pays, les villes et les entreprises engagés dans la lutte contre la pollution plastique peuvent poursuivre des objectifs ambitieux sans être freinés.

L’échec des négociations à Genève ne marque pas une fin, mais une clarification

L’énergie investie dans la préparation du traité n’a pas été dissipée. Elle est réorientée vers des initiatives à différentes échelles. Les progrès sont souvent le fruit d’actions décentralisées plutôt que d’accords centralisés. Et le processus de négociation du traité reprendra probablement avec des procédures modifiées. En attendant, le travail se poursuit par d’autres moyens. L’innovation progresse. Les alternatives se développent. La sensibilisation du public s’accroît. La dynamique du marché évolue.

L’échec des négociations à Genève ne marque pas une fin, mais une clarification. La voie à suivre nécessite une reconnaissance pragmatique des réalités politiques, tout en maintenant une ambition systémique. La crise du plastique exige des mesures à tous les niveaux, avec ou sans traité mondial. Ces mesures sont déjà en cours et s'accéléreront indépendamment du calendrier diplomatique.

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