Comment les investisseurs doivent-ils interpréter les accords et les délais tarifaires ?

Dr. Nannette Hechler-Fayd’herbe - Responsable de la stratégie d’investissement, durabilité et recherche, CIO EMEA
Dr. Nannette Hechler-Fayd’herbe
Responsable de la stratégie d’investissement, durabilité et recherche, CIO EMEA
Samy Chaar - Chef économiste<br>Banque Lombard Odier & Cie SA
Samy Chaar
Chef économiste
Banque Lombard Odier & Cie SA
Filippo Pallotti - Stratège macro
Filippo Pallotti
Stratège macro
Comment les investisseurs doivent-ils interpréter les accords et les délais tarifaires ?

points clés.

  • Les marchés minimisent largement l'impact des droits de douane et pourraient sous estimer le choc en cours dans le commerce mondial
  • L’impact de ces taxes devrait être plus visible au second semestre, avec une hausse de l’inflation aux États-Unis et un ralentissement des économies chinoise et américaine, mais nous continuons de penser qu’une récession pourra être évitée
  • Un accord entre les États-Unis et l’Union européenne limite les risques les plus graves pour la croissance de la zone euro. Au-delà du Mexique et du Canada, lesquels devraient être partiellement protégés par l’accord USMCA, Taïwan et la Suisse font partie des pays les plus exposés aux droits de douane américains
  • Nous avons procédé à des prises de bénéfices sur nos positions en actions des marchés développés et privilégions les marchés émergents, qui affichent des valorisations moindres et une croissance des bénéfices plus forte. Nous préférons le crédit d’entreprises aux obligations souveraines, et utilisons l’or comme outil de diversification des portefeuilles.

Comment l’évolution rapide du paysage tarifaire agira-t-elle sur les économies et les marchés financiers mondiaux ? Enprévision d’un probable ralentissement, nous avons légèrement réduit le risque des portefeuilles, tout en estimant que la menace d’une récession reste limitée. Nous conservons une stratégie d’investissement équilibrée, ancrée dans les régions et les actifs bien positionnés pour traverser la période d’incertitude liée au commerce mondial, qui se profile.

En amont de l’échéance du 1er août, les marchés financiers ont largement ignoré les incertitudes tarifaires et de nombreux indices boursiers ont atteint de nouveaux pics. Les accords commerciaux récemment signés par les Etats-Unis avec le Japon et l’Union européenne ont entretenu l’enthousiasme des investisseurs. S’il existe, de notre point de vue, des raisons d’adopter une prise de risque mesurée, nous prévoyons néanmoins un ralentissement significatif de l’économie mondiale et une réévaluation des risques par les marchés, compte tenu du niveau effectif des droits de douane imposés par les États‑Unis – niveau inédit depuis la fin des années 1930.

L’incertitude ne prendra pas fin le 1er août

Une combinaison d’accords et de droits de douane punitifs a précédé la date butoir du 1er août. Si certains pays parviendront peut-être encore à des accords commerciaux préférentiels, d’autres pourraient être temporairement confrontés à des droits de douane plus punitifs. Même les accords de principe conclus jusqu’ici nécessiteront de nouvelles négociations, ce qui entraînera une incertitude persistante pour certaines entreprises.

Un choc commercial mondial se déroule sous nos yeux. La première administration Trump avait imposé une augmentation de quelque 1,5% du taux moyen effectif des droits de douane américains. À ce jour, sur la base des derniers accords conclus, nous tablons sur une hausse d’environ 15% en moyenne pondérée par les échanges commerciaux. A la différence des frictions commerciales qui avaient marqué le premier mandat du président Trump, les exportateurs étrangers absorbent désormais une partie de ces augmentations tarifaires, de l’ordre de 10% en moyenne, sur la base des prix à l’importation. Mais bien que cela puisse compenser une partie de l’impact de la hausse des droits de douane sur l’économie américaine, l’essentiel de la charge du paiement de ces taxes repose toujours sur les épaules des importateurs américains. Les conséquences d’une telle augmentation ne doivent donc pas être sous-estimées.

L’évolution du paysage tarifaire entraînera un ralentissement significatif de l’économie mondiale, sans pour autant provoquer de récession

Nos prévisions indiquent que l’évolution du paysage tarifaire entraînera un ralentissement significatif de l’économie mondiale, sans pour autant provoquer de récession. Quant à la croissance américaine, elle devrait n’atteindre que la moitié de son potentiel en 2025, les répercussions des droits de douane se matérialisant au cours des six derniers mois de l’année.

Jusqu’à présent, leur impact sur l’inflation américaine a été modéré, grâce à la constitution de stocks par les entreprises en prévision du choc commercial. Cependant, alors que l’inflation des services et du logement est restée modérée et conforme à nos prévisions, nous avons observé en juin le début d’un renchérissement des biens « primaires » dans les secteurs affectés par les droits de douane, comme l’ameublement et les articles de loisirs, tels que les jouets.

Aux États-Unis, l’inflation des dépenses de consommation personnelles (PCE), l’indicateur le plus étroitement surveillé par la Réserve fédérale, devrait atteindre un pic de 3,4% vers la fin de l’année. Compte tenu de l’incertitude entourant la vitesse de transmission de la hausse des coûts des intrants aux prix à la consommation, nous surveillons attentivement les données affichées en temps réel sur les sites web des détaillants américains.

Quelles seront les économies les plus impactées ?

Le Mexique, le Canada, Taïwan et la Suisse figurent parmi les pays les plus exposés aux droits de douane américains. S’agissant des deux premiers cités, leur exposition est cependant fortement limitée par l’exemption de droits de douane sur les marchandises couvertes par l’Accord États‑Unis–Mexique–Canada (USMCA) de 2020. La Suisse n’a pas encore reçu de lettre de notification tarifaire, ce qui laisse présager l’application d’un droit de douane général de 10% jusqu’à la signature d’un accord, lequel devra résoudre la question des taxes imposées au secteur pharmaceutique. Nous maintenons donc notre prévision de croissance du PIB suisse à 0,7% en 2025. Pour le Mexique, le Canada et Taïwan, nos prévisions sont de -0,7%, 1,4% et 3,3% respectivement.

Le droit de douane de 15% prévu par l’accord États-Unis-UE couvre également les produits pharmaceutiques, ce qui constitue un signal plutôt positif pour le secteur en Suisse

Les pays européens ont tendance à commercer davantage entre eux et leur exposition économique aux États-Unis est moindre. Les exportations de l’Allemagne et de l’Italie vers les États-Unis représentent quelque 3% de leur PIB, tandis que pour l’Espagne, ce chiffre est plus proche de 1%. En vertu de l’accord signé entre les États-Unis et l’UE, les produits européens seront soumis à un tarif de base généralisé de 15%, au lieu des 30% brandis comme menace. De plus, l’UE s’est engagée à acheter USD 750 milliards d’énergie américaine sur trois ans et à investir USD 600 milliards supplémentaires aux États-Unis. À noter que le droit de douane de 15% sur les exportations européennes vers les États-Unis s’appliquera également aux automobiles et aux pièces détachées, actuellement soumises à un taux de 27,5%. Pour l’Allemagne, fortement exposée au secteur automobile, cet accord est loin d’être catastrophique. D’autres pays, comme l’Espagne, sont davantage exposés aux droits de douane sur les produits agricoles, un domaine qui fait encore l’objet de négociations concernant des exemptions au tarif de base. Le droit de douane de 15% prévu par l’accord États-Unis-UE couvre également les produits pharmaceutiques, ce qui constitue un signal plutôt positif pour le secteur en Suisse.

Préférence pour les actions émergentes et le crédit de qualité

À ce jour, la volatilité des marchés actions est restée modérée, l’indice VIX s’établissant à 15,2, contre une moyenne historique proche de 20. Nous tablons toutefois sur une augmentation de la volatilité au cours des prochaines semaines et dans le courant du troisième trimestre. Les indices boursiers les plus exposés aux recettes réalisées aux États-Unis sont les indices suisse, britannique, allemand et français, suivis par le Japon et l’Europe.

La toile de fond reste raisonnablement favorable aux actions, même si les résultats du deuxième trimestre se sont jusqu’ici révélés mitigés, avec des révisions de bénéfices stables ou en baisse pour l’ensemble de l’année, tandis que le sentiment des investisseurs paraît excessif et que, depuis le 2 avril, le rallye boursier a été très rapide. Nous avons procédé à des prises de bénéfices sur nos positions en actions développées au début du mois de juillet, mais nous maintenons notre surpondération des actions émergentes, où les valorisations sont plus basses et la croissance des bénéfices plus forte. Au sein de ce bloc, l’Inde et la Corée ont notre faveur. Nous notons également que toute résolution de la question des droits de douane sur les produits pharmaceutiques pourrait permettre au Swiss Market Index (SMI) de regagner du terrain, après avoir été à la traîne par rapport aux autres marchés cette année.

La toile de fond reste raisonnablement favorable aux actions, même si les résultats du deuxième trimestre se sont jusqu’ici révélés mitigés

Du côté obligataire, nous pensons que le crédit de qualité offre encore des opportunités. Les obligations souveraines pourraient être affectées négativement par l’entrée en vigueur de droits de douane américains prohibitifs, surtout si ceux-ci impliquent une augmentation des dépenses publiques pour soutenir les économies en difficulté. En Europe, l’Allemagne dispose de la latitude budgétaire nécessaire pour réagir, mais des pays comme la France ou l’Italie ont moins de marge de manœuvre et leurs spreads de crédit pourraient se creuser vis-à-vis des Bunds allemands.

Sur le marché des changes, l’ampleur des dommages économiques relatifs causés par les droits de douane et les changements dans les trajectoires implicites des taux d’intérêt pourraient entretenir la volatilité. La paire EUR/USD devrait évoluer à l’intérieur d’une fourchette de juste valeur comprise entre 1,15 et 1,20. Pour le franc suisse, un accord fructueux avec les États-Unis consoliderait l’USD/CHF autour des niveaux actuels, dans la mesure où nous anticipons toujours une baisse des taux par la Réserve fédérale américaine, tandis que la Banque nationale suisse a atteint un plancher de 0%. Quant à l’USD/JPY, le récent accord commercial entre le Japon et les États-Unis devrait ouvrir la voie à un renforcement du yen.

Dans l’environnement incertain actuel, l’or a également un rôle à jouer pour consolider la résilience des portefeuilles et constitue un outil essentiel en matière de gestion des risques. Après avoir réduit notre exposition à l’or durant la pause tarifaire de 90 jours, nous avons ramené nos positions à un niveau neutre au début de ce mois.

CIO Office Viewpoint

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