Un assouplissement monétaire isolé de la Fed pèsera sur le dollar américain

Kiran Kowshik - Stratège marchés des changes
Kiran Kowshik
Stratège marchés des changes
Un assouplissement monétaire isolé de la Fed pèsera sur le dollar américain

points clés.

  • Le premier semestre 2025 a vu le dollar américain subir sa plus forte baisse sur six mois depuis plus d’un demi-siècle 
  • Le billet vert pourrait continuer à reculer en 2026, la Réserve fédérale abaissant ses taux alors que plusieurs autres grandes banques centrales ont déjà achevé leur cycle de politique monétaire
  • Les primes de terme élevées et des inquiétudes persistantes quant à une surexposition aux actifs américains sans couverture de change contribueront également à l’affaiblissement du dollar 
  • L’euro et les devises asiatiques devraient être les principales bénéficiaires de la faiblesse du dollar.

Au premier semestre 2025, le dollar américain a enregistré sa plus forte baisse sur six mois depuis 1973. La devise s’est stabilisée ces dernières semaines, mais il faut s’attendre à un nouveau recul dans les mois à venir, et jusqu’en 2026, sur fond de réduction des taux d’intérêt par la Réserve fédérale. Ce sera la première fois depuis des années que la Fed se trouvera en décalage avec les politiques monétaires des autres grandes banques centrales. Nous avons abaissé notre opinion sur la devise américaine à négative.

L’indice du dollar, qui mesure la valeur de la monnaie américaine par rapport à un panier de devises d’économies développées, a chuté de plus de 12% au premier semestre 2025, après une hausse de près de 10% au dernier trimestre 2024. Depuis fin juin, la monnaie américaine s’est stabilisée, le dollar se consolidant dans une fourchette de 1,14 à 1,17 contre euro et de 0,79 à 0,82 contre franc suisse.

Un nouveau recul du billet vert est toutefois probable au cours des prochains trimestres. L’incertitude persistante concernant la politique américaine et l’érosion de l’exceptionnalisme des Etats-Unis pourraient continuer à freiner la demande de dollars. Facteur plus important encore, le début des réductions de taux d’intérêt par la Réserve fédérale devrait accentuer la pression baissière sur la monnaie. Le dollar a d'ailleurs perdu encore 1% la semaine dernière, après que Jerome Powell, président de la Fed, a laissé entendre qu’une baisse de taux pourrait se justifier dès septembre.

Comportement du dollar américain lors des cycles d’assouplissement monétaire de la Fed

Historiquement, le dollar américain a eu tendance à s’affaiblir lors de la première phase d’assouplissement monétaire de la Fed, cet effet s’atténuant ensuite au fur et à mesure de la progression du cycle. Depuis 1998, les cycles d’assouplissement monétaire de la Fed ont généralement entraîné un affaiblissement du dollar jusqu’à la première baisse de taux, avant une stabilisation au bout de quelques trimestres. En revanche, si l’on examine la performance du dollar lors des cycles d’assouplissement monétaire antérieurs à 1998, le dollar s’est également affaibli, mais sa dépréciation s’est prolongée de manière plus marquée sur plusieurs trimestres.

La posture des autres grandes banques centrales au moment où la Fed entame son assouplissement monétaire joue un rôle essentiel dans le comportement du dollar

Quelle est la principale différence entre ces deux périodes ? La posture des autres grandes banques centrales au moment où la Fed entame son assouplissement monétaire joue un rôle essentiel dans le comportement du dollar, qui varie selon que la Fed assouplit sa politique monétaire de manière isolée ou de concert avec ses homologues ; un assouplissement monétaire isolé de la Fed pèse sur le dollar.

Depuis 1998, les cycles d’assouplissement des banques centrales ont été beaucoup plus coordonnés, la Fed modifiant sa politique en premier, suivie peu de temps après par les autres banques centrales. Le fait que celles-ci lui emboîtent le pas a entraîné une stabilisation des différentiels de taux d’intérêt, atténuant tout impact négatif sur la monnaie américaine lié aux baisses de taux. En revanche, s’agissant de la politique monétaire de la Fed avant 1998, on constate plusieurs périodes où elle a abaissé ses taux, alors que d’autres banques centrales, notamment la Bundesbank allemande, la Banque d’Angleterre (BoE) ou la Banque du Japon (BoJ), ne procédaient pas de même.

Probable affaiblissement du dollar en 2026

La Fed devrait entamer son assouplissement monétaire en septembre pour porter son taux directeur à 3,75% d’ici fin 2025, proche du niveau « neutre » qui ne stimule ni ne ralentit l’économie américaine. A contrario, la Banque centrale européenne (BCE) et la Banque nationale suisse (BNS) pourraient être en fin de cycle d’assouplissement avec des taux respectifs de 2,0% et de 0%, tandis que la BoJ devrait continuer à relever prudemment ses taux par rapport aux 0,5% actuels. Parmi les principales banques centrales, seule la BoE, actuellement à 4%, est susceptible d’abaisser ses taux en même temps que la Fed.

Partant, la comparaison historique la plus pertinente avec la situation actuelle concerne la période avant 1998. Cela suggère que le dollar américain pourrait s’affaiblir encore au fur et à mesure que la Fed abaissera ses taux et que les différentiels de taux se réduiront.

Au-delà des politiques des banques centrales, la forme de la courbe des taux américaine aura une incidence. Par le passé, le dollar américain s’est affaibli davantage lorsque les marchés tablaient sur un recul des rendements de court terme, comme c’est le cas aujourd’hui, avec une « prime de terme » croissante, soit la compensation exigée par les investisseurs pour la détention d’obligations à échéances plus longues. Bien que les rendements de long terme américains nous semblent appelés à baisser au fil du temps, la prime de terme devrait rester élevée, reflétant les craintes liées au creusement du déficit budgétaire américain.

La menace d’une perte d'indépendance de la Fed ajoute aux risques pour le dollar

La menace d’une perte d'indépendance de la Fed ajoute aux risques pour le dollar. La tentative du président Trump de licencier la gouverneure de la Fed Lisa Cook constitue la dernière attaque en date de l'administration américaine contre la banque centrale. Toute perception de perte d'indépendance se traduirait par une nouvelle prime de risque pour le dollar.

Leaders et retardataires

Ces derniers mois, le dollar américain s’est écarté de sa corrélation avec les différentiels de taux d’intérêt, et l’incertitude politique américaine a renforcé la pertinence des fondamentaux des autres monnaies. La performance des devises a donc été davantage liée au statut relatif de créancier des économies. Autrement dit, les économies ayant accumulé une exposition plus importante aux actifs étrangers – généralement aux États-Unis – que ce qui a été réalisé par les investisseurs étrangers sur leur marché domestique, ont enregistré les plus fortes hausses de leurs devises.

De nombreuses monnaies de pays créanciers se sont stabilisées après de solides gains, et ces rallyes pourraient reprendre. La politique américaine et, à terme, la baisse des coûts de couverture de change – consécutifs aux réductions des taux d’intérêt par la Fed – pourraient inciter les investisseurs étrangers à rapatrier leurs actifs américains, ou du moins à couvrir leur exposition au risque de change. Cela accentuerait la pression sur le dollar.

Les pays créanciers nets pourraient donc voir leurs devises continuer à subir encore des pressions à la hausse. Parmi les marchés développés, cela inclut la zone euro, le Japon, la Norvège, la Suède et, dans une moindre mesure, l’Australie et le Canada. Au sein des marchés émergents, la liste comprend des pays comme Taïwan, la Corée du Sud et la Thaïlande, ainsi qu’Israël et l’Afrique du Sud. Notre hypothèse à 12 mois pour la paire EUR/USD s’établit à 1,22.

Les pays créanciers nets pourraient donc voir leurs devises continuer à subir encore des pressions à la hausse

L’exposition de la Suisse aux actifs étrangers tient plutôt aux réserves de change de la BNS, qu’aux avoirs du secteur privé. Cela signifie que la demande de couverture par le secteur privé aura moins d’effet sur la monnaie. Par ailleurs, dans la mesure où le franc suisse tend à se renforcer lorsque les investisseurs s’inquiètent pour l’euro, des perspectives économiques plus positives pour la zone euro en 2026 pourraient limiter son appréciation au cours des prochains trimestres. Par conséquent, nous tablons sur un USD/CHF à 0,77 à un horizon de 12 mois, mais estimons que les risques pour l’EUR/CHF sont orientés à la hausse par rapport à notre hypothèse à 12 mois de 0,94.

La livre sterling fait exception : elle devrait rester à la traîne des autres devises, les réductions des taux d’intérêt menées par la Banque d’Angleterre lui faisant perdre son avantage de rendement. La performance de la livre sterling est également limitée par le niveau élevé de la dette publique et elle ne bénéficie pas autant que d’autres devises des flux de rapatriement en provenance des États-Unis. Au fur et à mesure que l’avantage de taux d’intérêt de la livre sterling s’érode, la devise devrait sous-performer ses homologues tels que l’euro, même si la paire GBP/USD pourrait se stabiliser dans une fourchette en raison d’un dollar américain globalement plus faible. Nous tablons sur une paire EUR/GBP proche de 0,90 et un GBP/USD à 1,37 à un horizon de 12 mois.

L’évolution relative des rendements jouera donc en défaveur du dollar américain. La baisse des coûts de couverture liée à l’assouplissement de la politique monétaire américaine, et le positionnement vendeur moins extrême des investisseurs, concourent également à atténuer le besoin de dollars. Le nouveau sursis tarifaire de 90 jours accordé à la Chine pourrait aussi soutenir à court terme le sentiment vis-à-vis des devises émergentes, et nous avons renforcé notre biais positif à leur égard.

CIO Office Viewpoint

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