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    Comment empêcher les systèmes de refroidissement de réchauffer la planète?

    Comment empêcher les systèmes de refroidissement de réchauffer la planète ?
    Jonathon Mulholland - Rédacteur basé au Royaume-Uni.

    Jonathon Mulholland

    Rédacteur basé au Royaume-Uni.

    La réfrigération artificielle est un procédé largement employé depuis tout juste un siècle. Pourtant, la réfrigération est une pratique très ancienne. Dès 1780 avant J.-C., les Mésopotamiens récoltaient la glace dans des bassins peu profonds qu’ils remplissaient préalablement d’eau les nuits d’hiver, par temps clair. Ils l’entreposaient dans des fosses de glace1 où ils pouvaient conserver au frais des aliments, des boissons tout au long de l’été, voire, qui sait, un petit sorbet de temps à autre. C’est assez surprenant sachant que les températures inférieures à zéro relèvent de l’exception dans les climats désertiques.

    Heureusement, des systèmes de réfrigération artificielle nous permettent aujourd’hui de faire couler de l’eau froide du robinet. Heureusement, si ce n’est que ces systèmes ne s’inscrivent pas dans une démarche durable. En quête de solutions, certains scientifiques et entrepreneurs s’intéressent au phénomène qui a permis aux Mésopotamiens de créer de la glace dans le désert il y a près de 4000 ans.


    Cause et effet.... et cause

    Les systèmes de réfrigération artificielle ont eu un impact profondément positif sur la société. Mais il y a un hic, et pas des moindres : ces systèmes de réfrigération contribuent de manière significative au réchauffement climatique.

    Les systèmes de réfrigération artificielle ont eu un impact profondément positif sur la société, et pas seulement en démocratisant la conservation des aliments frais. Ils nous permettent également de rester au frais toute l’année. Les systèmes de refroidissement sont donc des moteurs économiques vitaux dans les climats plus arides, qui accueillent bon nombre de pays en développement.

    Nous avons donc toutes les raisons de vouloir plus de réfrigération artificielle. Mais il y a un hic, et pas des moindres : ces systèmes de réfrigération contribuent de manière significative au réchauffement climatique. Ils représentent pas moins de 17% de la consommation mondiale d’énergie et utilisent des réfrigérants émettant des gaz à effet de serre des milliers de fois plus puissants que le dioxyde de carbone2. D’autant plus que les systèmes de refroidissement sont appelés à proliférer avec l’élévation des températures qui nous attend, et la baisse concomitante des émissions des systèmes de chauffage ne sera pas suffisante pour le compenser3.

    Les systèmes de réfrigération artificielle représentent pas moins de 17% de la consommation mondiale d’énergie et utilisent des réfrigérants émettant des gaz à effet de serre des milliers de fois plus puissants que le dioxyde de carbone.

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    Pour résumer, la demande de systèmes de refroidissement accélère le changement climatique, et le changement climatique accélère la demande de systèmes de refroidissement. Un cercle vicieux que des solutions sur le front de l’énergie renouvelable et du nucléaire pourraient aider à atténuer. Reste qu’une question aussi existentielle que le changement climatique nécessite une palette plus large de solutions.

    La demande de systèmes de refroidissement accélère le changement climatique, et le changement climatique accélère la demande de systèmes de refroidissement.

    La technique ancestrale mésopotamienne

    Alors, comment les Mésopotamiens faisaient-ils pour produire de la glace dans le désert ?

    Si l’on ne fait rien, une flaque d’eau relativement chaude perd généralement de la chaleur jusqu’à ce que sa température soit égale à celle de son environnement. Pour ce faire, elle utilise un procédé appelé refroidissement passif par rayonnement ou refroidissement radiatif : l’eau se refroidit lorsqu’elle émet plus de rayonnement infrarouge qu’elle n’en absorbe dans son environnement. Toutefois, et cela est crucial, l’air peut uniquement absorber des rayons infrarouges dont la longueur est comprise dans une plage spécifique4. Ainsi, les nuits sans nuages (qui ramènent de la chaleur vers la Terre), tout rayonnement infrarouge émis par la flaque d’eau dans cette zone – appelée fenêtre de transmission – s’échapperait dans l’espace par l’atmosphère. Contrairement à ce que l’on peut attendre, la flaque d’eau devient en réalité plus froide que l’air ambiant et gèle dès lors que sa température descend en dessous de 0º C.

    Si l’on ne fait rien, une flaque d’eau relativement chaude perd généralement de la chaleur jusqu’à ce que sa température soit égale à celle de son environnement. Pour ce faire, elle utilise un procédé appelé refroidissement passif par rayonnement ou refroidissement radiatif.

    Dans le monde actuel dominé par les systèmes de refroidissement artificiel, on pourrait croire que ce phénomène physique si particulier autrefois dompté par les Mésopotamiens pour fabriquer de la glace n’a vocation qu’à enrichir un jeu-questionnaire amusant. Mais si nous pouvions utiliser cette astuce pour rendre ces systèmes plus efficaces ?

    C’est l’objectif que s’est fixé la start-up SkyCool Systems. Elle a pour ce faire développé un nouveau matériau de pointe qui présente deux caractéristiques clés. Ce matériau réfléchit trop pour que la lumière du soleil puisse le réchauffer. Deuxièmement, ce matériau nanostructuré est conçu pour permettre un rayonnement infrarouge aussi important que possible à travers la fenêtre de transmission de l’atmosphère. Le phénomène qui en résulte est encore plus bizarre que celui dompté par les Mésopotamiens : sa température baisse lorsqu’il est exposé à la lumière directe du soleil. SkyCool a utilisé ce matériau pour construire des panneaux capables de refroidir l’eau sans électricité. Intégrer ce dispositif dans un système de climatisation pourrait rendre ce dernier entre 15% et 30% plus efficace5 dépendant combien de panneaux sont utilisés.

    La start-up SkyCool a développé un nouveau matériau pour construire des panneaux capables de refroidir l’eau sans électricité. Intégrer ce dispositif dans un système de climatisation pourrait rendre ce dernier jusqu’à 12% plus efficace.

    La technologie est mature et prête à être déployée. Des études montrent qu’avec des investissements et développements supplémentaires, nous pourrions parvenir à créer un matériau dont la température est inférieure de 42ºC à l’air ambiant sous la lumière directe du soleil. Un tel matériau pourrait nous permettre d’accroître l’efficacité des systèmes de refroidissement de jusqu’à deux tiers, voire de créer de nouveaux systèmes de refroidissement ne recourant plus du tout à l’électricité.
     

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    Des études montrent qu’avec des investissements et développements supplémentaires, nous pourrions parvenir à créer un matériau dont la température est inférieure de 42ºC à l’air ambiant sous la lumière directe du soleil.

    Un avenir plus frais et serein ?

    L’urgence de trouver des solutions à ce problème ne fera qu’augmenter.

    En 2016, les centres de données représentaient 3% de la consommation mondiale d’énergie, soit plus que tout le Royaume-Uni, et 2% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, soit à peu près autant que l’industrie aéronautique. Le refroidissement des serveurs revêt un rôle substantiel dans la consommation d’énergie globale des centres de données, et cette consommation double tous les quatre ans environ6.

    Le refroidissement radiatif pourrait également être exploité pour optimiser la production des énergies renouvelables. Les panneaux solaires, par exemple, produiraient plus d’électricité s’ils pouvaient rester frais sous les rayons du soleil. Et si nous parvenions à exploiter les grandes différences de température entre la surface de la Terre et l’espace pour alimenter un moteur thermique, le refroidissement par rayonnement pourrait lui-même devenir une source d’énergie renouvelable.

    Pour les investisseurs, ce potentiel représente une opportunité très intéressante de dégager des rendements élevés, mais également d’impulser un changement de paradigme en matière de développement durable.

    Bien sûr, de telles innovations prennent du temps. Il n’empêche que pour les investisseurs, ce potentiel représente une opportunité très intéressante de dégager des rendements élevés, mais également d’impulser un changement de paradigme en matière de développement durable. En injectant des capitaux, les investisseurs peuvent booster la recherche et le développement. De plus, lorsque de nouvelles technologies de refroidissement radiatif arriveront sur le marché, les investisseurs auront le pouvoir d’inciter les entreprises qui fabriquent ou utilisent des systèmes de refroidissement à intégrer ces innovations en vue d’améliorer leur efficacité énergétique.

    Les énergies renouvelables et le nucléaire sont appelés à jouer un rôle essentiel dans la lutte contre le changement climatique. Mais l’urgence est telle que nous n’avons d’autre choix que d’explorer toutes les pistes. D’autant plus que les conséquences d’un échec sur ce front seraient trop graves. Le refroidissement radiatif est un exemple qui montre bien que la science et l’innovation peuvent ouvrir de nouvelles voies vers un avenir plus pérenne. Avec, en plus, des opportunités d’investissement extraordinaires à la clé.


    1 James, P. and Thorpe, N. (1994) Ancient Inventions, United States, Ballantine Books.
    2 Coulomb et al. (2015) The Role of Refrigeration in the Global Economy. Disponible ici.
    3 Henley, J. (2015) World set to use more energy for cooling than heating. Disponible ici.
    4 Plus précisément, les rayons infrarouges courts entre 8 et 13 microns.
    5 Raman, A. (2018) How we can turn the cold of outer space into a renewable resource. Disponible ici.
    6 Bawden, T. (2016) Global warming : Data centres to consume three times as much energy in next decade, experts warn. Disponible ici.

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