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    perspectives d’investissement

    Avec ou sans Boris Johnson, quelles perspectives pour le Royaume-Uni ?

    Avec ou sans Boris Johnson, quelles perspectives pour le Royaume-Uni ?
    Stéphane Monier - Chief Investment Officer<br/> Lombard Odier Private Bank

    Stéphane Monier

    Chief Investment Officer
    Lombard Odier Private Bank

    Points clés 

    • Affaibli, Boris Johnson s'accroche au pouvoir ; même si le leadership du Premier ministre est contesté, il est peu probable que ses successeurs suivent une voie politique radicalement différente
    • La crise du coût de la vie au Royaume-Uni devrait s'aggraver en avril, et le pays doit encore faire face à l'impact de l'après-Brexit sur la productivité ; cependant, après avoir subi une profonde récession, l'économie est en mode reprise et le marché de l’emploi est solide
    • Les hausses de taux de la Banque d'Angleterre pourraient aider la livre sterling à gagner du terrain face à l'euro, du moins pendant le premier semestre 2022 ; cependant, la devise britannique pourrait subir un revers contre le dollar
    • Nous apprécions les actions britanniques, le FTSE100 étant axé sur les titres de type valeur que nous privilégions, et dont la décote persistante en matière de valorisation s'amenuise.

    Alors qu’un Boris Johnson affaibli se bat pour survivre à un rapport accablant sur les fêtes organisées à Downing Street, le pays est aux prises avec une crise du coût de la vie et l'impact du Brexit. Pourtant, malgré les problèmes auxquels elle est confrontée, l'économie britannique se trouve sur une trajectoire de reprise et continue à offrir d’intéressantes opportunités d'investissement.

    Boris Johnson est-il capable de défier les lois de la gravité ? C’est l’impression qu’il a donnée en 2012, quand il s’est suspendu à une tyrolienne au-dessus du parc olympique; aujourd'hui, cela paraît moins évident. Le Premier ministre britannique a su faire bonne figure après la publication, le 31 janvier, d'un rapport très attendu - bien qu'abrégé - sur les fêtes organisées à Downing Street ; les résultats de l’enquête de police sont toujours attendus. Les accusations, scandales et autres enquêtes gouvernementales se sont accumulés durant le mois de janvier. Les chefs de file du Parti conservateur sont accusés de faire chanter les députés rebelles pour qu'ils rentrent dans le rang, et une députée conservatrice musulmane affirme avoir été renvoyée de son poste de ministre en partie en raison de sa foi. Même si ces allégations s’avèrent fausses, le lent goutte-à-goutte du « Partygate » pourrait constituer un tournant pour Boris Johnson. La publication du rapport complet et les résultats de l'enquête de police pourraient être de nouveaux catalyseurs. A quoi s’ajoute la possibilité de voir à tout moment 54 députés exprimer leur défiance à son égard.

    …le lent goutte-à-goutte du « Partygate » pourrait constituer un tournant pour Boris Johnson

    Pour le moment, M. Johnson fait face à la tempête. Il espère que le public optera pour un leadership cohérent dans le contexte de l'impasse ukrainienne et que les députés conservateurs n’oublieront pas la majorité de 80 sièges qu'il leur a apportée en 2019, ni sa capacité proverbiale à parler aux électeurs, en particulier à ceux qui traditionnellement ne votent pas pour les conservateurs. Toutefois sa crédibilité, sa confiance et son énergie ont été affaiblies. La rébellion au sein de son propre parti pourrait gagner du terrain. La suppression rapide des restrictions liées au Covid, une possible volte-face sur l’obligation de vaccination des travailleurs du Service National de la Santé (NHS) et les tentatives de hâter la mise en œuvre du projet de loi « Brexit Freedoms Bill », qui accélère la déréglementation post-Brexit, peuvent être considérées comme des tentatives de pacifier les députés de l’aile droite du parti et de s'attirer les faveurs du public. Toutefois, le temps parlementaire est désormais accaparé par la politique interne et les débats houleux. Les progrès sur les questions essentielles –comme la lutte contre la pauvreté, le défi des énergies renouvelables et l'endiguement des périlleuses traversées de la Manche par les migrants –sont au point mort.

    La confiance en question

    La confiance dans le gouvernement a aussi faibli suite aux récents scandales, avec de possibles conséquences allant des habitudes de vote au respect de règles et réglementations. Les récents sondages d'opinion indiquent une majorité croissante en faveur de l'opposition travailliste, ce qui pourrait constituer un défi pour les Conservateurs lors des élections locales de mai. Et certains signes indiquent que l'humeur, tant à l'intérieur du parti conservateur que parmi son électorat de base, serait en train de changer. Depuis qu’il est tombé de son piédestal de leader conservateur le plus populaire depuis Margaret Thatcher, la moitié des électeurs conservateurs pensent qu'il fait mal son travail de Premier ministre (cf. graphique 1). Un mauvais résultat lors du scrutin de mai pourrait contraindre le Parti conservateur à revoir ses options.

     

    Problèmes de succession

    Si l’on réfléchit à l’avenir de M. Johnson, l'un des problèmes auquel pourraient être confrontés les députés conservateurs est qu’aucun successeur évident ne se profile. Après son obtention de la plus importante majorité conservatrice depuis les années 1980, beaucoup – y compris M. Johnson lui-même – ont pensé qu'il resterait en poste pendant des années. En l’absence de toute contestation de son leadership, aucun candidat n’a encore dévoilé son jeu. Toutefois, le Chancelier de l’Échiquier Rishi Sunak est le favori des bookmakers pour lui succéder, suivi par la Secrétaire aux affaires étrangères Liz Truss en deuxième position. Le Secrétaire au Logement Michael Gove, le Secrétaire à la Santé Sajid Javid et Jeremy Hunt sont également dans la course. Le plus charismatique et le plus populaire auprès des électeurs est certainement Rishi Sunak, dont la mise en œuvre rapide du dispositif de chômage partiel au début de la pandémie a permis de protéger les emplois et les revenus. Mais rien n'indique qu'un nouveau dirigeant apporterait un véritable changement de politique, au-delà de la tentative de rétablir la confiance du public.

    Mais rien n'indique qu'un nouveau dirigeant apporterait un véritable changement de politique, au-delà de la tentative de rétablir la confiance du public

    Les défis posés par l'économie et le Brexit

    Les deux favoris ont également la responsabilité de relever les principaux défis de la Grande-Bretagne : l'économie et le Brexit. La crise du coût de la vie qui frappe le Royaume-Uni s'aggravera encore en avril, avec l’augmentation prévue de 50% des factures d'énergie et l’apparition de nouvelles taxes, qui mettront à rude épreuve la patience de la population. Les travailleurs gagnent déjà en moyenne un salaire réel inférieur à celui d'avant la crise financière mondiale. Le taux d'inflation de 5,4% enregistré en décembre représente plus du double de l'objectif de 2% fixé par la banque centrale, et n’aurait pas encore atteint son pic. L'économie ouverte de la Grande-Bretagne reste particulièrement vulnérable aux problèmes liées aux chaînes d'approvisionnement au niveau mondial. Ces problèmes sont en train de se résorber, mais ils pourraient rester épineux en 2022, surtout si Omicron provoque de nouveaux embouteillages dans les ports ou les usines chinoises. Entre-temps, avec un baril de Brent excédant les 80 USD, les prix à la pompe restent élevés. De plus, les tarifs ferroviaires augmenteront au printemps. Les électeurs plébisciteront-ils toujours M. Sunak, face à de nouvelles taxes drastiques et à une inflation au plus haut depuis 30 ans ?

    L'autre principale candidate conservatrice, Liz Truss, a hérité des négociations difficiles avec Bruxelles sur le protocole d'Irlande du Nord, de la mise en œuvre de l'accord du Brexit et de l'apaisement des tensions diplomatiques. Bien que Mme Truss ait la réputation d’être plus conciliante que son prédécesseur Lord Frost, la menace du déclenchement de l'article 16, une grenade économique pour le Royaume-Uni, plane toujours sur les négociations. Les élections en Irlande du Nord en mai promettent de nouvelles frictions. Après des années de croissance, les investissements des entreprises britanniques sont restés stables depuis le vote du Brexit en 2016. Le commerce avec l'UE s'est effondré depuis que le Royaume-Uni a quitté le marché unique et l'union douanière. Les exportations de produits alimentaires et de boissons ont chuté d'un quart depuis le Brexit, selon les estimations du secteur. Les pays de l'UE ont largement retrouvé les niveaux d'échanges d'avant le Brexit au troisième trimestre 2021, mais les flux commerciaux du Royaume-Uni ont été les plus faibles relativement au PIB depuis plus de dix ans. À partir de juillet 2022, les contrôles des marchandises se feront plus stricts. À plus long terme, l'Office de responsabilité budgétaire (OBR) estime que le total des importations et des exportations britanniques sera inférieur de 15% à ce qu'il aurait été si le pays était resté au sein de l'UE, avec une baisse de 4% de la productivité économique à long terme.

    Après des années de croissance, les investissements des entreprises britanniques sont restés stables depuis le vote du Brexit en 2016

    Les vaccins, la City et les emplois

    Pour autant, les perspectives économiques du Royaume-Uni sont loin d'être moroses. Le pays a signé une septantaine d’accords commerciaux et post-Brexit, dont beaucoup reconduisent des ententes déjà existantes. La déréglementation pourrait générer davantage de revenus. Face aux défis du Brexit, la City de Londres a jusqu'à présent fait preuve de résilience ; le Royaume-Uni reste le premier centre européen de biotechnologie et conserve sa position de leader en matière d’exportations dans le domaine de l'industrie de la création comme le cinéma et la télévision. Après l'une des récessions pandémiques les plus graves parmi les principales puissances économiques, la reprise au Royaume-Uni compte désormais parmi les plus rapides. Nous pensons que la croissance pourrait dépasser 5% cette année. La vague Omicron a atteint son pic et les restrictions ont été levées dans le cadre d'une impressionnante campagne de rappel des vaccins. La demande latente dans le secteur des services pourrait être un facteur important : en effet, bien qu'il ait baissé en janvier en raison des restrictions dues à Omicron, l'indice PMI des directeurs d'achat dans le secteur des services a été plus élevé que prévu et a encore indiqué une solide expansion. La politique budgétaire du gouvernement continuera à soutenir la croissance et ne se resserrera que progressivement dans les années à venir. Dans le même temps, le marché du travail reste étonnamment vigoureux malgré la pandémie : le taux de chômage a poursuivi sa baisse en décembre, deux mois après la fin du dispositif de chômage partiel, pour atteindre 4,1%, contre 3,8% avant la pandémie.

    Après l'une des récessions pandémiques les plus graves parmi les principales puissances économiques, la reprise au Royaume-Uni compte désormais parmi les plus rapides. Nous pensons que la croissance pourrait dépasser 5% cette année

    Actions et livre sterling

    La résilience du marché du travail a été l'un des facteurs à l'origine de la première hausse des taux directeurs décidée par la Banque d'Angleterre en décembre, pour contrer une inflation obstinément élevée. Les marchés anticipent quatre hausses supplémentaires en 2022, ce qui porterait le taux directeur à 1,25% d'ici la fin de l'année (nous estimons que trois hausses seraient plus réalistes). Nous pensons que la première interviendra cette semaine, portant le taux de référence à 0,50 %. La Banque centrale a déjà déclaré qu'elle commencerait à réduire son bilan avec des taux à ce niveau, probablement en n'investissant pas le produit des obligations qui arrivent à échéance. Les anticipations d'assouplissement monétaire à venir ont contribué à soutenir la livre sterling, qui a gagné du terrain, tant contre le dollar que contre l'euro, relativement à ses plus bas niveaux de mi-décembre. Nous pensons qu'une forte divergence de politique monétaire avec l'Europe pourrait aider la livre sterling contre l'euro dans les mois à venir. Nous maintenons notre prévision d’un taux de change GBP/USD plus proche de 1,30.

    Notre surpondération de 1,5% des actions britanniques dans les portefeuilles de nos clients reflète les attentes d’une réduction de la décote

    L'indice FTSE a lui aussi bien débuté l'année, avant de reculer – au cours des dix derniers jours – en phase avec les indices mondiaux. Le Royaume-Uni demeure l'un des marchés boursiers les moins chers au monde. Notre surpondération de 1,5% des actions britanniques dans les portefeuilles de nos clients reflète les attentes d’une réduction de la décote (cf graphique 2). En 2016, après le vote sur le Brexit, les valeurs britanniques ont vu d'importantes sorties de capitaux, qui ont eu du mal à revenir, mais certains signes indiquent le début d’un possible changement. Un grand nombre de sociétés mondiales minières, pharmaceutiques et de biens de consommation du FTSE réalisent l’essentiel de leurs revenus en dehors des frontières du Royaume-Uni. L’indice est composé d’un plus grand nombre de titres de type « valeur » que de valeurs de croissance, y compris dans des secteurs tels que l'énergie, les matières premières, la santé et les banques que nous privilégions dans un environnement de hausse des taux. Dans ce contexte, le sort d'un seul homme politique est secondaire.

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