Quel avenir pour le secteur de la santé à l’heure de l’IA et de la transformation numérique ? Rencontre avec Solène Vo Quang

Quel avenir pour le secteur de la santé à l’heure de l’IA et de la transformation numérique ? Rencontre avec Solène Vo Quang

Article publié dans « Voix d’entrepreneurs » en partenariat avec le Figaro le 9 octobre 2025

Comment faire dialoguer le monde médical et l’innovation technologique ? À l’heure où l’intelligence artificielle bouleverse les pratiques, comment distinguer les vraies avancées des effets de mode ? Et surtout, comment construire une santé plus efficace, plus préventive et plus accessible ? Regards croisés entre Solène Vo Quang, chirurgienne et fondatrice de la platefodrme Hack Your Care, et Manoel de Ipanema, banquier privé chez Lombard Odier, autour des mutations profondes qui redessinent le système de santé.

Points clés :

  • L’IA ouvre la voie à une médecine capable de détecter les signaux faibles et d’agir en amont, réduisant ainsi la charge hospitalière et les coûts structurels
  • Dispositifs connectés, médecine personnalisée et diagnostic présymptomatique redessinent la pratique médicale et renforcent l’autonomisation du patient
  • L’IA appliquée à la santé est appelée à croître fortement, avec un marché mondial estimé à près de 190 milliards de dollars d’ici à 2030, dans une logique d’impact mesurable et durable.

Chirurgienne de formation, à quel moment avez-vous ressenti le besoin de créer votre entreprise et qu’est-ce qui a motivé ce choix ?

Solène Vo Quang : C’est pendant mon internat en chirurgie que j’ai commencé à collaborer avec des entreprises, notamment dans le domaine de l’intelligence artificielle. J’ai eu l’opportunité de travailler sur l’annotation d’images médicales, ce qui m’a permis de découvrir concrètement le fonctionnement de l’IA appliquée à la santé. J’ai ainsi contribué, par exemple, à des projets de diagnostic automatisé à partir de panoramiques dentaires et de suivi post-traitement.

Au fil des missions, j’ai réalisé à quel point les soignants et les entreprises avaient du mal à se comprendre. Ils évoluent dans deux mondes qui se côtoient sans réellement se parler, alors même qu’ils auraient tout intérêt à collaborer. C’est de ce constat qu’est née progressivement l’idée de créer ma propre entreprise : un pont entre l’univers médical et l’écosystème tech.

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Comment fonctionne concrètement Hack Your Care, et quels types de collaborations avez-vous déjà mises en place ?

Solène Vo Quang : J’ai développé une plateforme qui facilite la collaboration entre les entreprises et les professionnels de santé. Un exemple concret, c’est le travail que nous menons actuellement avec Dassault Systèmes. Depuis un an, ils ont lancé un projet autour des jumeaux numériques, et avaient besoin d’échanger avec différents profils médicaux dans le cadre de focus groups. Hack Your Care permet précisément de créer ces passerelles entre le monde médical et les entreprises innovantes au bon moment, au bon endroit et avec les bons interlocuteurs.

Aujourd’hui, nous avons constitué une communauté de plus de 6 000 soignants en France et en Allemagne, prêts à contribuer à des projets de transformation du système de santé. Notre rôle consiste à identifier les bons profils, les préparer en amont, et surtout gérer toute la relation : cadre juridique, rémunération, contractualisation

Aujourd’hui, nous avons constitué une communauté de plus de 6 000 soignants en France et en Allemagne1, prêts à contribuer à des projets de transformation du système de santé. Notre rôle consiste à identifier les bons profils, les préparer en amont, et surtout gérer toute la relation : cadre juridique, rémunération, contractualisation. Pour les entreprises, c’est un gain de temps et de qualité : elles peuvent tester, ajuster et itérer plus rapidement, avec des retours concrets issus du terrain.

Quand vous regardez l’évolution du secteur, qu’est-ce qui vous donne confiance dans l’avenir de la santé augmentée par la tech et l’IA ?

Manoel de Ipanema : Ce qui me donne confiance, c’est l’émergence d’un véritable changement de paradigme. L’IA ne se contente plus de soutenir les soins, elle en transforme les fondements. Elle permet des diagnostics plus précoces, en radiologie par exemple, et favorise une personnalisation accrue des traitements. Mais surtout, elle ouvre la voie à une nouvelle logique : passer d’une approche curative, typique de la médecine occidentale, où l’on consulte lorsqu’on est malade, à une approche préventive, proche de la philosophie médicale chinoise, où l’on consulte pour rester en bonne santé.

Grâce à l’IA et à sa capacité à détecter des signaux faibles, cette évolution du curatif vers la prévention pourrait entraîner une réduction significative des coûts structurels

Grâce à l’IA et à sa capacité à détecter des signaux faibles, cette évolution du curatif vers la prévention pourrait entraîner une réduction significative des coûts structurels. Mais au-delà de la performance technique, ce qui me paraît essentiel, c’est ce basculement d’approche : passer d’un système de santé centré sur la réparation, où l’on soigne une maladie une fois déclarée, à un système de santé tourné vers la préservation.

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Quelles sont, selon vous, les innovations les plus structurantes dans le secteur de la santé aujourd’hui ?

Manoel de Ipanema : Celles qui émergent dans la prévention, le diagnostic présymptomatique et l’autonomisation du patient. Les dispositifs médicaux connectés, par exemple, permettent de détecter des signaux faibles mesurés à partir du glucose, du rythme cardiaque ou sur le sommeil, et d’agir en amont.

L’IA est déjà capable d’améliorer la précocité et la fiabilité des diagnostics de certaines maladies comme Parkinson2. On constate également une montée en puissance de la médecine personnalisée, fondée sur l’analyse croisée de données génomiques et comportementales. Et grâce à ces technologies, le suivi à domicile devient fiable, ce qui allège significativement la pression sur les structures hospitalières.

La notion de « bons usages » de l’IA en santé revient souvent dans le débat. Que recouvre-t-elle concrètement ?

Solène Vo Quang : Aujourd’hui, il existe une profusion d’outils technologiques dans le domaine de la santé. Mais un outil, aussi performant soit-il, ne sert à rien s’il n’est pas rattaché à un usage concret. La vraie question, est : à quoi sert-il ? Sauve-t-il des vies ? Améliore-t-il le parcours de soin ? Réduit-il la charge des soignants ? C’est cela qui doit guider le développement. Sans usage, les outils ne subsisteront pas.

C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles de nombreuses entreprises viennent nous voir : elles cherchent des cas d’usage pertinents pour adapter ou réorienter leur technologie. Je pense par exemple à Vocads, une start-up française spécialisée dans les agents vocaux basés sur l’IA. Bien que leur solution ne soit pas initialement pensée pour la santé, ses fondateurs nous ont sollicités pour l’appliquer au suivi post-opératoire des patients dans ma spécialité. Ce type d’approche, centrée sur le besoin clinique réel, est la clé d’un usage utile et durable de l’IA dans le secteur de la santé.

Nous ne nous contentons pas d’évaluer le potentiel technologique ou l’effet de nouveauté d’une solution... Nous cherchons à investir dans ce qui restructure l’économie en profondeur, avec de la rigueur scientifique, une vision long terme, et un impact net positif sur la société et l’environnement

Comment distinguer une innovation technologique réellement utile en santé d’un simple effet de mode ? Quels critères permettent d’identifier les solutions qui auront un impact durable ?

Manoel de Ipanema :  Pour qu’une innovation retienne notre attention, elle doit avant tout transformer en profondeur l’un des cinq systèmes clés que nous avons identifié : l’énergie, l’industrie, la consommation, la santé, soutenus de manière transversale par la technologie grâce aux données et à l’intelligence artificielle. Elle doit en outre s’appuyer sur une base scientifique solide et validée, et surtout reposer sur un modèle économique viable et capable de changer d’échelle.

Ce qui fait la différence, c’est l’impact. Nous ne nous contentons pas d’évaluer le potentiel technologique ou l’effet de nouveauté d’une solution. Nous voulons mesurer ce qu’elle change réellement : réduit-elle les hospitalisations évitables ? Facilite-t-elle le dépistage précoce ? Améliore-t-elle l’accès aux soins ? Ce sont ces indicateurs concrets qui comptent. Il est finalement assez simple de distinguer une innovation utile d’un gadget technologique. Il suffit de se poser une question : cette solution répond-elle à un besoin systémique et crée-t-elle une transformation structurelle ? C’est aussi une question de cohérence avec notre philosophie d’investissement chez Lombard Odier : nous cherchons à investir dans ce qui restructure l’économie en profondeur, avec de la rigueur scientifique, une vision long terme, et un impact net positif sur la société et l’environnement.

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Quels sont, selon vous, les problèmes majeurs auxquels le système de santé français est confronté aujourd'hui ?

Solène Vo Quang : Trois problèmes majeurs fragilisent aujourd’hui notre système de santé. D’abord, la pénurie dramatique de médecins et de soignants : nous continuons à former trop peu de praticiens alors que les besoins explosent. C’est une bombe à retardement. Ensuite, la dévalorisation du métier. Comment espérer retenir nos talents quand nos compétences sont sous-payées et sous-reconnues ? Le départ massif de médecins vers l’étranger en est la preuve. Enfin, une formation restée figée dans un autre siècle. On ne prépare pas les futurs médecins à gérer des projets, à innover, à travailler avec d’autres disciplines. Tant qu’on ne refondra pas ce modèle, nous resterons prisonniers d’un système essoufflé.

En tant qu’investisseur, comment évaluez-vous le potentiel de ce secteur ?

Manoel de Ipanema : Le secteur de la santé reflète pleinement notre approche d’investissement chez Lombard Odier : des modèles économiques solides, adossés à la recherche scientifique, capables de se développer à grande échelle et générateurs d’un impact mesurable. La santé augmentée s’inscrit ainsi dans la dynamique d’une économie alignée avec l’objectif « net-zéro ». Les perspectives sont significatives, avec un marché mondial de l’IA en santé estimé à près de 190 milliards de dollars d’ici à 20303.

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