Peut-on assouvir une soif de calcul insatiable ? Le défi du refroidissement liquide de l’IA

points clés.

  • L’essor fulgurant de l’intelligence artificielle générative a engendré une demande sans précédent en centres de données : leur capacité mondiale devrait tripler d’ici 2030
  • Les grands centres de données consomment de vastes quantités d’eau douce pour se refroidir (parfois jusqu’à plusieurs millions de litres par jour), ce qui crée des conflits dans les régions où l’eau est rare
  • Les nouvelles technologies de refroidissement évitent l’eau douce et réduisent la consommation d’énergie jusqu’à 90%
  • Des opportunités d’investissement considérables émergent dans les domaines du refroidissement sans consommation d’eau, de l’énergie renouvelable et des infrastructures durables, les grandes entreprises technologiques étant susceptibles d’investir USD 350 milliards dans les centres de données d’IA sur la seule année 2025.

« Les machines peuvent-elles penser ? »

C’est la question que posait l’homme de science britannique Alan Turing, « père de l’informatique moderne », dans un article qui a fait date, publié il y a exactement 75 ans1.

À cette époque, la question suscitait la controverse. Toutefois, avec l’esprit visionnaire qui a fait sa renommée, Alan Turing, qui avait anticipé l’essor de l’intelligence artificielle (IA), avait également prédit que cette question perdrait toute pertinence. Que la capacité des machines à vraiment « penser » soit acceptée ou non, il était convaincu qu’elles rivaliseraient un jour avec la créativité humaine.

Aujourd’hui, cela n’est plus à débattre. Moins de trois ans après le lancement de ChatGPT par OpenAI (premier d’un large éventail de produits au sein d’un écosystème en pleine expansion), le pouvoir de disruption de l’IA générative et de sa capacité à « penser » se fait sentir un peu partout, des secteurs de la consommation, de la santé, de l’énergie et de la défense jusqu’aux systèmes industriels, en passant par les réseaux sociaux et la scène politique.

L’impact disruptif de la « capacité de penser » de l’IA générative se fait sentir un peu partout

Le potentiel de l’IA est si prometteur, et son développement si rapide, que les gouvernements du monde entier s’empressent de garantir leur indépendance stratégique, tant dans le domaine de l’IA elle-même que dans les activités connexes, ainsi que dans de nombreux secteurs optimisés par l’IA. Parallèlement, certaines des plus grandes entreprises technologiques mondiales développent une puissance de calcul plus importante que jamais afin de prendre les rênes de l’IA.

Toutefois, alors que la course à « l’armement en IA » s’accélère, les scientifiques et les décideurs politiques sont de plus en plus nombreux à poser la question : quelles seront les répercussions des besoins en ressources de cette nouvelle technologie sur le monde physique ? Et comment les investisseurs peuvent-ils non seulement bénéficier des initiatives visant à construire un avenir plus efficient et plus durable pour l’IA, mais aussi y participer ?

Le cloud tangible

On pourrait penser que l’IA n’a aucune présence physique, se limitant à des impulsions électriques à peine perceptibles quelque part dans le « cloud ». Mais à Mesa, dans l’État de l’Arizona, on s’aperçoit rapidement que l’IA n’est pas uniquement virtuelle. Elle se manifeste également de façon palpable. Dans cette ville d’un peu plus de 500’000 habitants, quinze grands centres de données, couvrant une superficie totale de 600 hectares, ont été construits, ont reçu une autorisation ou sont en cours d’étude, y compris sur des sites détenus par Apple, Google et Meta.2

Ces centres de données (et les milliers d’autres qui sont exploités dans le monde) sont la colonne vertébrale d’internet, hébergeant les serveurs et les disques durs qui alimentent nos recherches, traitent nos achats en ligne et stockent nos textes, photos et vidéos.

Ils constituent également le foyer de l’IA, qui nécessite des centaines (voire des milliers) de processeurs avancés pour effectuer des milliards de calculs. Les besoins de l’IA sont tout simplement ceux des centres de données. D’ici 2030, la capacité totale des centres de données du monde devrait plus que tripler3 et leur consommation d’électricité devrait augmenter quatre fois plus rapidement que dans tout autre secteur, atteignant 3% de la consommation mondiale totale4

Lire aussi : Révolution de la santé par l’IA : une seconde jeunesse à l’épreuve du temps

La demande en puissance de calcul de l’IA rend les centres de données non seulement plus énergivores, mais aussi assoiffés

La puissance de calcul : un adversaire ?

C’est ici qu'entrent en scène des villes comme Mesa. Avec près de 300 jours d’ensoleillement par an en moyenne5, le potentiel solaire de l’Arizona en fait un endroit idéal pour implanter ces géants gourmands en électricité. Google, par exemple, prévoit de déployer des solutions d’énergie éolienne aussi bien que solaire afin de parvenir à 80% d’électricité décarbonée dans ses centres de données arizoniens d’ici 20266.

Cependant, bien que le soleil puisse fournir de l’électricité tout au long de l’année, le climat aride de Mesa est souvent synonyme de raréfaction de l’eau. Ce problème est particulièrement aigu s’agissant des centres de données de grande envergure. L’eau étant plus de 20 fois plus efficace que l’air pour le transfert de chaleur7, ces centres se tournent désormais vers des systèmes de refroidissement liquide pour gérer la chaleur générée par les calculs de l’IA avancée, réalisés dans un environnement où la densité de chaleur est de plus en plus importante. En conséquence, certains centres utilisent jusqu’à 20 millions de litres d’eau douce par jour, soit la consommation d’une ville de 10’000 à 50’000 habitants, tant pour la production d’énergie que pour le refroidissement8.

Dans le monde entier, ce dilemme finira par devenir inextricable : les sites choisis pour leur potentiel solaire, d’une part, manquent souvent d’eau et, d’autre part, nécessitent davantage de solutions de refroidissement. La demande en puissance de calcul de l’IA rend les centres de données non seulement plus énergivores, mais aussi assoiffés. D’ici seulement deux ans, les calculs de l’IA à l’échelle mondiale pourraient consommer jusqu’à 7’700 milliards de litres d’eau par an, soit plus de six fois la consommation du Danemark9.

À Mesa, Meta s’est engagée à soutenir des projets régionaux de préservation de l’eau… ce qui signifie que son nouveau centre de données de USD 1 milliard deviendra positif en eau d’ici 2030

À Mesa, les emplois et les investissements créés par les centres de données ont tout d’abord été bien accueillis. Mais les habitants de la ville sont de plus en plus inquiets et les politiques ont récemment durci les règles d’urbanisme, notamment en renforçant le contrôle de la consommation d’eau des centres.

Mesa n’est pas la seule ville concernée. À The Dalles par exemple, dans l’État de l’Oregon, un journal local a remporté une bataille juridique qui l’opposait depuis 13 mois au conseil municipal et a pu publier des informations sur la consommation d’eau d’un centre de données, révélant ainsi que ce centre était responsable de plus d’un quart de la consommation annuelle totale de la ville10. En Espagne, en Uruguay, au Chili et même aux Pays-Bas, des agriculteurs et des communautés locales ont manifesté contre l’arrivée de nouveaux centres de données, craignant que l’IA ne leur dispute les ressources en eau.

Innovations en matière de refroidissement liquide : la naissance d’une nouvelle industrie

Pour les propriétaires de centres de données, l’efficacité du refroidissement est désormais une priorité. À l’été 2024, par exemple, Microsoft a annoncé la mise en œuvre de systèmes de refroidissement liquide en circuit fermé dans tous ses nouveaux centres de données. Les premiers centres sans consommation d’eau du groupe devraient être mis en service en Arizona et au Wisconsin dès 2026. En remplaçant les systèmes d’évaporation par un circuit fermé, l’entreprise promet d’économiser plus de 125 millions de litres par an dans chacun de ses nouveaux centres, illustrant ainsi le potentiel des technologies de refroidissement liquide en tant que solution cruciale en matière de durabilité11.

Pour les propriétaires de centres de données, l’efficacité du refroidissement est désormais une priorité

Un véritable écosystème d’entreprises spécialisées s’est formé et ne cesse de croître. L’entreprise américaine Vertiv, par exemple, propose un système de climatisation hybride combinant le refroidissement par air et le refroidissement liquide en circuit fermé, qui peut être installé dans les centres de données existants, éliminant ainsi le gaspillage d’eau et réduisant la consommation d’énergie sans avoir à rénover la totalité des infrastructures12.

Certains centres de données choisissent désormais le refroidissement par immersion, un système dans lequel des serveurs adaptés font leur travail tout en étant submergés dans un liquide de refroidissement non conducteur. Ces systèmes, comme ceux développés par Iceotope au Royaume-Uni et aux États-Unis, s’affranchissent de l’utilisation de ventilateurs et de pompes, instaurant ainsi une consommation d’eau nulle ou minimale et réduisant la consommation d’énergie de plus de 90%13.

La start-up américaine Subsea Cloud envisage de plus grandes profondeurs, en implantant sa capsule pilote de centres de données (dénommée Jules Verne) au fond de l’océan Pacifique. Prévoyant d’autres sites d’essai dans le golfe du Mexique et la mer du Nord, l’entreprise cherche à prouver sa capacité à éliminer la consommation d’eau douce et à considérablement réduire la consommation d’énergie, même dans des mers plus chaudes14.

Le refroidissement microfluidique suscite également un intérêt croissant. En gravant de minuscules canaux directement dans les puces d’IA, un liquide de refroidissement peut circuler à l’intérieur même du silicium, éliminant la chaleur bien plus efficacement que les plaques froides traditionnelles. Microsoft a récemment démontré cette approche, montrant qu’elle permettait de refroidir des serveurs exécutant des services essentiels avec une efficacité jusqu’à trois fois supérieure.15

Lire aussi : Les investissements respectueux de la nature commencent à s’imposer

Investir dans la transition planétaire

En 2025, Google, Meta, Amazon et Microsoft auront ensemble consacré USD 350 milliards à la construction de centres de données et à l’installation des équipements nécessaires en leur sein. Aux États-Unis, on estime que les investissements consacrés à l’IA pourraient à eux seuls faire croître l’économie de 0,7% cette année, soit la moitié du taux de 1,4% prévu par la Réserve fédérale américaine16. L’Europe est elle aussi déterminée à tirer parti de cette opportunité. En France, Emmanuel Macron a annoncé un investissement privé de EUR 109 milliards dans l’IA17. Parallèlement, l’initiative « InvestAI » de la Commission européenne mobilisera EUR 200 milliards pour soutenir le développement de l’IA dans tous les pays du bloc18.

Ces dépenses considérables génèrent des opportunités d’investissement dans de multiples secteurs, des projets d’énergie renouvelable au stockage par batterie en passant par la construction, le matériel de serveur ou encore les puces de pointe sur lesquels les nouveaux modèles d’IA reposent. Selon le spécialiste des marchés financiers Jefferies, la demande en systèmes de refroidissement liquide devrait perdurer pendant au moins cinq à dix ans et le marché devrait atteindre près de USD 28 milliards d’ici 2030.

Chez Lombard Odier, nous sommes convaincus que l’IA deviendra un allié indispensable, alors que nous redoublons d’efforts pour construire un avenir durable, et sera un catalyseur essentiel de la transition vers un nouveau modèle économique : un modèle « net-zéro », positif pour la nature, socialement constructif et facilité par la transformation digitale.

Grâce à notre stratégie d’investissement Planetary Transition, nous voulons valoriser cette mutation et saisir les opportunités générées par les entreprises qui s’efforcent de ne plus dépasser les limites planétaires (par exemple en raison d’émissions excessives ou de prélèvements d’eau douce). Dans le cadre de cette stratégie, nous investissons dans les entreprises qui font accélérer la révolution de l’IA et dans les fournisseurs des technologies de refroidissement innovantes et efficaces, indispensables aux centres de données de pointe.

À Mesa, en Arizona, les craintes liées à la consommation d’eau douce motivent le changement. Meta s’est engagée à appuyer les projets régionaux de conservation de l’eau en veillant à ce que les volumes d’eau restitués dans les stocks locaux soient supérieurs à sa consommation. Ainsi, son nouveau centre de données de USD 1 milliard devrait être aquaresponsable d’ici 203019. Le nouveau centre de données d’Edged Energy, pour sa part, a été conçu dès le départ selon un système de refroidissement liquide sans eau, économisant ainsi 350 millions de litres d’eau par an20.

À mesure que les innovations en matière de technologies de refroidissement liquide se développeront, d’autres centres de données d’IA suivront très certainement, ce qui réduira la consommation d’eau et soutiendra les solutions durables. À Mesa et dans de nombreuses autres villes semblables à travers le monde, les habitants pourraient à nouveau considérer les centres de données comme un atout pour l’économie locale et non plus comme un adversaire qui leur dispute leurs précieuses ressources en eau potable.

afficher les sources.
+

1 « Computing Machinery and Intelligence », A.M. Turing, MIND, octobre 1950
2 Mesa enacts data center regulations amid metro Phoenix tech boom
3 AI data center growth: Meeting the demand | McKinsey
4 Energy and AI – « Energy demand from AI » – Analysis | AIE
5 Annual Days of Sunshine in Arizona | Current Results
6 How Google Continues to Power Carbon-Free Energy in Arizona | Data Centre Magazine
7 Liquid Cooling – A Song of Ice and Fire, Jefferies, PDF
8 Data Centers and Water Consumption | Article | EESI
9 Circular water solutions key to sustainable data centres | Forum économique mondial
10 Google’s water use is soaring in The Dalles, records show, with two more data centers to come | oregonlive.com
11 Sustainable by design: Next-generation datacenters consume zero water for cooling | The Microsoft Cloud Blog
12 How are Data Centres Shifting to Zero-Water Cooling Tech? | Data Centre Magazine ; Vertiv™ CoolLoop Trim Cooler
13 How are Data Centres Shifting to Zero-Water Cooling Tech? | Data Centre Magazine
14 5 Largest Underwater Data Centers in the World
15  https://news.microsoft.com/source/features/innovation/microfluidics-liquid-cooling-ai-chips/
16 How the AI spending boom is reshaping an otherwise slowing economy | The Washington Post
17 France unveils 109-billion-euro AI investment as Europe looks to keep up with U.S. | NBC New York
18 L’UE va mobiliser 200 milliards d’euros pour l’investissement dans l’IA | Euronews
19 Inside $1B data center in Mesa that Meta touts as sustainable
20 Mesa Data Center to Use Waterless Cooling Technology | Greater Phoenix In Business Magazine

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