Évaluation des objectifs commerciaux de Donald Trump : le cas du Brésil

    Dr. Nannette Hechler-Fayd’herbe - Responsable de la stratégie d’investissement, durabilité et recherche, CIO EMEA
    Dr. Nannette Hechler-Fayd’herbe
    Responsable de la stratégie d’investissement, durabilité et recherche, CIO EMEA
    Homin Lee - Stratège macro senior
    Homin Lee
    Stratège macro senior
    Évaluation des objectifs commerciaux de Donald Trump : le cas du Brésil

    points clés.

    • La politique commerciale des États-Unis, qui imposent de nouveaux droits de douane à leurs alliés et à leurs rivaux dans le but de contrer des déséquilibres commerciaux perçus comme injustes, suscite des inquiétudes partout dans le monde
    • L’administration Trump vise à redresser les soldes extérieurs américains, mais les modalités d’application de ces taxes restent floues et changeantes
    • Afin de définir le niveau de risque relatif aux tarifs douaniers américains pour chaque pays, nous avons établi un classement en fonction de l’excédent ou du déficit commercial avec les Etats-Unis, ainsi que des écarts tarifaires existants. Le Brésil, qui affiche un déficit des échanges de marchandises avec les États-Unis, mais un écart tarifaire important, pourrait être confronté à des droits de douane modérés, tout en disposant d’une certaine marge de négociation
    • Les obligations brésiliennes en devise locale nous semblent offrir une source de revenus comparativement aux obligations émergentes de notation similaire. En raison du portage élevé du real brésilien, la paire  USD/BRL devrait atteindre 6,00 et 6,20 à horizon de trois et douze mois respectivement.

    La politique commerciale des États-Unis inquiète les entreprises et les marchés financiers du monde entier. Dans le cadre du programme « l’Amérique d’abord », les taxes douanières américaines sur les importations ciblent désormais les alliés et les rivaux des États-Unis dont la balance commerciale est jugée inéquitable. Cette politique, exposée dès le premier jour du mandat du président Donald Trump, vise à corriger la situation. Les contours du projet, y compris la manière dont les droits de douane seront appliqués, restent toutefois flous.

    La politique tarifaire « réciproque » de l’administration Trump est fondée sur le principe « s’ils nous taxent, on les taxera à la même hauteur » énoncé le 4 mars par M. Trump devant le Congrès. On ne sait pas encore si les tarifs douaniers américains, qui devraient être appliqués aux importations étrangères dès le 2 avril 2025, le seront sous forme de taxes uniformes à toutes les catégories de marchandises provenant d’un pays cible, avec quelques exceptions spécifiques, ou si des taxes différentes seront imposées à différentes marchandises provenant de la même économie exportatrice. On ne sait pas non plus si des droits de douane moins élevés s’appliqueront aux pays affichant un déficit commercial avec les États-Unis, c’est-à-dire ceux qui importent déjà plus de marchandises américaines qu’ils n’y exportent.

    Nous avons classé les partenaires commerciaux des États-Unis en nous basant sur deux facteurs : l’ampleur de l’excédent ou du déficit commercial avec les États-Unis et l’écart tarifaire moyen. Nous mesurons l’ampleur de l’excédent ou du déficit commercial en termes de marchandises, sachant toutefois que l’ajout du commerce des services ne changerait pas le classement en ce qui concerne les principales économies. Bien que cette méthodologie exclue d’autres facteurs tels que les barrières commerciales non tarifaires et les différences en matière de taxe sur la valeur ajoutée, elle met en évidence les pays exposés à la menace de droits de douane américains élevés – ou faibles –, ainsi qu’un groupe intermédiaire d’économies à risque moyen. Ceci dans l’hypothèse où l’administration américaine opèrera effectivement une distinction entre les économies. Notre méthodologie évalue également la marge de négociation dont chaque pays pourrait disposer dans le domaine du commerce et, inversement, le levier que pourraient exercer les États-Unis dans d’autres domaines de discussions.

    Notre classement répartit les partenaires commerciaux des États-Unis en quatre groupes :

    1) les pays présentant d’importants excédents commerciaux avec les États-Unis et des écarts tarifaires moyens importants (Chine, Mexique, Japon, Thaïlande et Inde) ;
    2) les pays présentant d’importants excédents commerciaux mais des écarts tarifaires faibles, voire des avantages tarifaires (dont l’Allemagne, la Suisse, le Canada et le Vietnam) ; 
    3) les pays présentant de faibles excédents, voire des déficits, commerciaux, mais pour lesquels les écarts tarifaires sont importants (Colombie, Brésil et Afrique du Sud par exemple) ;
    4) les pays présentant de faibles excédents, voire des déficits, commerciaux, ainsi que des faibles écarts tarifaires, voire des avantages tarifaires (un groupe qui inclut plusieurs pays européens, de même que la Turquie, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, pour n’en citer que quelques-uns).

    Si, afin de tenir compte de ces différences, les États-Unis opèrent une distinction entre tarifs douaniers élevés, tarifs « intermédiaires », comme le secrétaire au commerce Howard Lutnik l’a évoqué pour le Canada, et tarifs faibles (ou même nuls), les pays du premier groupe risquent de se voir fortement taxés, du moins dans un premier temps. En cumulant les droits de douane imposés à la Chine depuis février et ceux qui menacent le Canada et le Mexique, nous envisageons des tarifs de l’ordre de 20 à 25% pour les pays du premier groupe. Cette utilisation du levier commercial afin de régler d’autres projets prioritaires pour les Etats-Unis pourrait, dans un deuxième temps, conduire à un éventuel allègement.

    Le Japon, le Mexique et l’Inde pourraient se retrouver dans cette situation. Dans son discours devant le Congrès, M. Trump a fait par exemple référence au projet de gazoduc de gaz naturel liquéfié (GNL) en Alaska et à son financement par la Corée du Sud et le Japon, ce qui offrirait une marge de négociation à ces deux économies pour trouver un terrain d’entente avec l’administration américaine, d’autant que la Corée du Sud a signé en 2007 un accord de libre-échange avec les États-Unis, et que le Japon en a fait de même en 2019 durant la première présidence Trump.

    Le Brésil pourrait faire partie des pays à même de plutôt bien résister aux droits de douane américains

    Le Canada et le Mexique, tous deux très exposés au commerce avec les États-Unis, pourraient se retrouver dans des groupes différents, les concessions nécessaires pour éviter des taxes douanières élevées étant moindres pour le Canada que pour le Mexique. Le Brésil pourrait faire partie des pays à même de plutôt bien résister aux droits de douane américains, même si confronté dans un premier temps à des taxes moyennes (10 à 15% selon nos hypothèses). Le levier que les États-Unis pourront retirer de leurs échanges avec le Brésil semble par ailleurs relativement faible. Un certain nombre de pays européens, en particulier le Royaume-Uni et les pays nordiques, ainsi que l’Australie et la Nouvelle-Zélande dans la région Asie-Pacifique, pourraient à leur tour tenter de s’opposer plus fermement aux droits de douane américains en invoquant leur faible justification, à condition que d’autres barrières non tarifaires au commerce, que nous n’avons pas examinées dans cette analyse, ne les exposent pas.

    Le cas du Brésil

    Le Brésil fait partie de notre deuxième groupe. Dans son récent discours devant le Congrès, le président Trump a pointé du doigt ce pays, aux côtés de l’Union européenne, de la Chine, de l’Inde, du Mexique et du Canada, comme imposant « des tarifs douaniers largement plus élevés que ceux que nous leur faisons payer ». Bien que le Brésil affiche un écart tarifaire relativement élevé avec les États-Unis, sa balance commerciale (pour les marchandises) est déficitaire. Le Brésil pourrait donc disposer d’une marge de manœuvre pour négocier des tarifs douaniers « intermédiaires ».

    La peine que les droits de douane américains infligeraient au Brésil devrait être modérée. Les exportations de marchandises du Brésil vers les États-Unis ne représentent que 1,7% de son PIB. À titre de comparaison, les exportations du Mexique vers les États-Unis se montent à 26,1% du PIB. La Chine, qui constitue quelque 30% du total des exportations brésiliennes, est depuis longtemps la principale destination des marchandises en provenance du Brésil et son principal partenaire commercial. Le pays est donc plus exposé au risque que la Chine remplace certains produits agricoles et alimentaires brésiliens, comme le soja par exemple, par des produits américains dans le cadre d’une renégociation de l’accord sino-américain de « phase 1 » sur le commerce agricole, qu’au risque de taxes douanières américaines. Pour l’heure, nous ne prévoyons pas de changements majeurs et tablons sur un léger déficit de la balance courante brésilienne en 2025, à 2% du PIB.

    Nous anticipons néanmoins un ralentissement à 2% de la croissance économique brésilienne en 2025, au fur et à mesure que les hausses de taux d’intérêt déploieront leurs effets ; l’activité économique s’est déjà ralentie et la croissance des ventes au détail stagne. Avec un marché de l’emploi tendu et une croissance des salaires plutôt élevée face à une inflation en hausse, nous prévoyons que le taux directeur ou « Selic » de la Banco Central do Brasil culminera à 15,25% en 2025, soit 200 points de base de plus qu’aujourd’hui.

    La dette brésilienne constitue l’une des sources de revenus les plus intéressantes parmi les titres émergents de notation similaire

    Avec des obligations en devise locale, à échéance de 10 ans et indexées sur l’inflation qui offrent un rendement proche de 8%, la dette brésilienne constitue l’une des sources de revenus les plus intéressantes parmi les titres émergents de notation similaire. Pour les investisseurs brésiliens, les obligations indexées sur l’inflation sont une source de revenus à même de compenser la perte de pouvoir d’achat qu’ils subissent en raison de la faiblesse du real brésilien. Une situation qui peut dissuader les investisseurs d’envisager d’autres classes d’actifs telles que les actions ou les marchés étrangers. Les investisseurs affichent clairement leur scepticisme quant au programme budgétaire du Brésil, qui vise un excédent primaire modéré. Et même si cet objectif devait se voir atteint, il ne suffirait pas à empêcher le ratio de la dette du secteur public par rapport au PIB de continuer à croître.

    Le marché boursier brésilien affiche une forte concentration sur le secteur financier et les matières premières. Les revenus nets d’intérêts et les marges devraient continuer à augmenter et à soutenir les sociétés financières brésiliennes. Du côté des secteurs liés aux matières premières, nous maintenons un positionnement neutre sur l’énergie et un positionnement positif sur les matériaux. Les valorisations des actions brésiliennes sont bon marché, avec un ratio cours/bénéfices à 12 mois de 7,4x, contre une moyenne de 13,1x pour les actions émergentes dans leur ensemble et de 11,1x pour le Mexique.

    Des perspectives bénéficiaires plus favorables

    Ces faibles valorisations reflètent le coût élevé du capital au Brésil. Avec des taux d’intérêt appelés à continuer à se resserrer, nous ne prévoyons aucun allègement en matière de politique monétaire brésilienne. La croissance des bénéfices pour le quatrième trimestre 2024 devrait s’inscrire en baisse de 68% en glissement annuel, du fait de la faiblesse des secteurs liés aux matières premières. Pour 2025, le tableau est plus optimiste ; le consensus prévoit une progression des bénéfices de 53%.

    Nous maintenons une position neutre sur le real brésilien, alors que notre position est négative sur l’indice MSCI EMFX, dominé par l’Asie, ainsi que sur le peso mexicain. Cette opinion reflète la nature fermée de l’économie qui maintient la monnaie à l’abri des chocs liés aux tarifs douaniers ou aux taux d’intérêt mondiaux, comparativement à d’autres marchés émergents. Pour le Brésil, ce sont surtout les questions budgétaires et de politique nationale qui sont déterminantes et peuvent entraîner des épisodes de volatilité, comme en témoigne la sous-performance du dernier trimestre 2024. Nous plaçons actuellement l’USD/BRL à respectivement 6,00 et 6,20 sur un horizon de trois et douze mois, soit des niveaux inférieurs à ceux des marchés à terme, en raison du portage élevé du réal brésilien.

    Certes, il est peu probable que le Brésil soit totalement préservé des nombreuses pressions qui s’exercent sur le commerce international. Toutefois, nous prévoyons une stabilité raisonnable pour les mois à venir, qui devrait permettre aux investisseurs de tirer parti des rendements toujours intéressants de la dette d’entreprise et gouvernementale brésilienne.

    CIO Office Viewpoint

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