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    Réinventer l’économie allemande dans le monde de l’après-Covid

    Réinventer l’économie allemande dans le monde de l’après-Covid
    Stéphane Monier - Chief Investment Officer<br/> Lombard Odier Private Bank

    Stéphane Monier

    Chief Investment Officer
    Lombard Odier Private Bank

    Points clés

    • L’Allemagne assume la présidence de l’Union européenne à un moment critique pour sa propre économie comme pour l’Europe
    • Les responsables politiques font face à la lourde tâche de redessiner le modèle de la plus grande économie européenne de façon à ce qu’il repose moins sur la production industrielle et plus sur l’innovation
    • La durabilité et une « reprise verte » sont des aspects très positifs du plan de relance du gouvernement allemand
    • Le leadership démontré par la chancelière Angela Merkel dans sa gestion de la crise du Covid et dans sa rupture avec l’orthodoxie budgétaire est prometteur. Son/sa successeur(e) devra conserver la cadence

    L’accession de l’Allemagne à la présidence de l’Union européenne arrive à un moment critique, alors que la région essaie de se relever de la crise sociale et économique provoquée par le Covid-19. Sa devise pour les six mois du mandat, « Tous ensemble pour relancer l’Europe », n’indique pas seulement l’ampleur de ses ambitions pour l’UE, mais aussi le défi que représente pour l’Allemagne la reconstruction d’un modèle économique à la hauteur de ses aspirations dans le monde de l’après-pandémie.

    Le contexte dans lequel se déploie cette ambition est plus compliqué que prévu, comme en attestent les premiers indicateurs économiques du mois de mai. Des périodes de confinement prolongées risquent de provoquer une récession « encore plus profonde » au sein de la zone euro pour le reste de l’année, a indiqué la Commission européenne (CE) dans son dernier bulletin.

    Selon les chiffres publiés par la Commission, le produit intérieur brut de l’UE devrait connaître une chute record de 8,3% avant de rebondir de +5.8% en 2021. Nous tablons sur une contraction du PIB de la zone euro de 7% cette année et une croissance de +5% en 2021.

    L’Allemagne devrait connaître une contraction nettement moins sévère que les autres économies majeures de l’UE, avec un PIB en recul de 5,5% cette année et une reprise de 4,5% en 2021. La CE prévoit pour cette année une inflation de 0,3% pour la zone euro et de 0,4% pour l’Allemagne.

    Il sera capital d’éviter une reprise à deux vitesses au sein de la zone euro. Cette exigence se trouve au cœur du soutien apporté par la chancelière allemande au fonds d’urgence pour la relance économique de 750 milliards d’euros, proposé par la CE et dévoilé en mai. Conjointement avec le président français Emmanuel Macron, Angela Merkel – une chancelière « rechargée », selon les mots d’un officiel allemand en référence au soutien dont elle bénéficié dans son pays face à sa gestion de la pandémie – a usé de toute son influence afin de faire avancer deux éléments : le recours aux marchés des capitaux afin d’y lever l’essentiel des fonds, et que ces derniers soient largement distribués sous forme de subventions aux États membres.

    …en montrant sa solidarité envers les pays les plus durement affectés par le Covid-19, l’UE aura une chance sérieuse de tisser une nouvelle toile robuste qui liera tous ses membres autour d’un projet collectif renouvelé

    L’objectif est clair : en montrant sa solidarité envers les pays les plus durement affectés par le Covid-19, l’UE aura une chance sérieuse de tisser une nouvelle toile robuste qui liera tous ses membres autour d’un projet collectif renouvelé.

    L’opposition au programme de subventions du fonds de relance européen de la part des quatre « frugaux » – l’Autriche, les Pays-Bas, la Suède et le Danemark – reste une pierre d’achoppement. Mais il y a de bonnes chances pour qu’Angela Merkel et Emmanuel Macron parviennent à convaincre les réticents lors du vote des États membres à l’occasion du sommet organisé les 17 et 18 juillet prochain. La reconnaissance qu’il existe un lien entre la solidarité et la menace que constitue pour l’UE l’impact économique de la pandémie est au cœur de la proposition franco-allemande de 500 milliards d’euros.

    En arrière-plan se joue un véritable changement de cap en Allemagne, où l’orthodoxie budgétaire traditionnelle – baptisée Schwarze Null ou zéro noir – a dû céder le pas devant la réalité d’un besoin de dépenses en investissement massives. Il s’agit ici d’une rupture décisive avec l’ancienne approche basée sur le consensus. « Nous faisons tout ce qui est nécessaire » a signalé Angela Merkel en mars déjà. « Et nous ne demanderons pas chaque jour ce que cela signifie pour notre déficit ».

    …l’orthodoxie budgétaire traditionnelle – baptisée Schwarze Null ou zéro noir – a dû céder le pas devant la réalité d’un besoin de dépenses en investissement massives

    Tandis que l’augmentation des dépenses publiques contribuera à réduire la dépendance à l’égard des exportations, un profond remaniement du modèle économique allemand est également nécessaire. La modification du profil de croissance en grande partie basé sur la production industrielle en pourcentage du PIB et l’adoption des technologies disruptives devraient être des priorités. L’Allemagne tire fierté de ses PME du Mittelstand, qui vendent des produits à haute valeur ajoutée dans le monde entier. Toutefois, les grandes sociétés technologiques montrent que c’est dans le développement d’une relation suivie avec le consommateur via les données que se crée la véritable valeur. Ces géants de la technologie font leur entrée dans le secteur de la santé, avec des solutions médicales prédictives qui reposent sur les données, remplaçant les modèles de traitements et de brevetage des médicaments qui ont prévalu dans les modèles d’affaires jusque-là. Il n’est guère surprenant, dès lors, que la capitalisation boursière d’Apple soit plus importante que celle des 30 principaux titres de l’indice Dax réunis, dont la plupart des entreprises industrielles allemandes de renommée.

    Le secteur automobile compte pour 5% du PIB, avec plus des deux tiers de la production qui partent à l’exportation. Toutefois, ce secteur fait face à un profond changement de paradigme résultant de l’électromobilité et de l’automatisation. Des efforts sont consentis pour renverser la vapeur. Selon les estimations de Bloomberg, dans son programme de relance budgétaire de 130 milliards d’euros dévoilé le 29 juin, Berlin a alloué quelque 46 milliards aux investissements durables pour une « reprise verte ». Une part importante de ce montant est destinée à l’électromobilité et à la recherche et au développement dans le domaine de la technologie des batteries.

    Investir dans ces deux leviers pour améliorer l’économie allemande aurait des répercussions positives sur toute la région. Mais il reste à voir comment ces tournants radicaux pourront être implémentés dans un modèle économique qui a si longtemps reposé sur le consensus – avec des syndicats représentés au sein des conseils d’administration et des autorités réglementaires – et qui n’a pas remédié à ses lacunes, ainsi que l’a mis en lumière la saga Wirecard.

    La tâche est ardue et urgente, et ce pour une autre raison : la compétitivité. L’économie allemande a chuté à la septième place mondiale dans le dernier indice annuel de compétitivité du WEF, perdant quatre places, soit le recul le plus important parmi les 50 premiers pays du classement, à l’exception de l’Indonésie.

    L’investissement public jouera un rôle essentiel

    L’investissement public jouera un rôle essentiel. La formation brute de capital fixe de l’Allemagne a été significative et constante (cf graphique 2), quoique bien loin des niveaux de la Chine. Toutefois, l’investissement public ne suffira pas. L’année dernière, Berlin a promis de dépenser 3,5 milliards d’euros pour installer 1 million de bornes de recharge à travers l’Allemagne et d’augmenter les subsides pour encourager les consommateurs à acquérir des véhicules électriques. L’expérience britannique concernant les infrastructures de recharge a montré que si les subventions gouvernementales ont permis de stimuler une rapide adoption des véhicules électriques, il incombe de plus en plus au secteur privé de construire le réseau de recharge sur une base commercialement viable, selon un récent rapport de PwC.

    L’Allemagne a également besoin d’améliorer son infrastructure numérique, plus spécifiquement en ce qui concerne la connectivité large bande. Selon le dernier indice annuel de compétitivité du WEF, la principale faiblesse du pays réside dans le niveau relativement bas d’adoption des technologies de l’information et de la communication. Ce qui place l’Allemagne derrière plusieurs pays du Golfe, la Chine et la Russie. Des signes encourageants sont apparus dans les mesures dévoilées le 29 juin, qui incluent 5 milliards d’euros pour la construction d’un réseau 5G national d’ici à 2025.

    Le successeur d’Angela Merkel devra faire preuve du même leadership que la chancelière s’il veut réinventer l’économie durant la période de l’après-Covid.

    La course pour remplacer Angela Merkel, qui quittera la chancellerie l’année prochaine, a une toute autre configuration qu’il y a six mois. En tant que vice-président fédéral de l'Union chrétienne-démocrate d'Allemagne (CDU) depuis décembre 2019, Armin Laschet, ministre-président de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, était considéré depuis des mois comme le probable successeur de la chancelière. Mais un récent sondage télévisé a propulsé Markus Söder, ministre-président de la Bavière, en tête de liste des candidats préférés à la succession, en raison de sa gestion énergique de la pandémie, devant Armin Laschet.

    Le successeur d’Angela Merkel devra faire preuve du même leadership que la chancelière s’il veut réinventer l’économie durant la période de l’après-Covid

    Cela ne semble pas avoir changé le statut de chef de file d’Armin Laschet, et Markus Söder, qui dirige aussi l'Union sociale chrétienne (CSU) bavaroise, a depuis viré vers une approche plus libérale du confinement, défendue par son rival, notamment en autorisant la réouverture des Biergarten (jardins à bière) de Munich en mai.

    Indépendamment de qui accédera au poste de chancelier allemand à Berlin, l’élu devra affronter un large éventail de défis. Les investisseurs l’observeront de près.

    Ils seront particulièrement attentifs à la manière dont l’indice boursier allemand Dax reflètera les perspectives de croissance mondiale, compte tenu du lien étroit entre la performance de l’économie internationale et celle des entreprises allemandes via les secteurs des matériaux, de la finance et de l’industrie – secteurs fortement représentés dans le Dax. Ce dernier a sous-performé l’indice mondial MSCI durant la chute massive enregistrée au mois de mars, avant de se redresser début juin avec l’amélioration du sentiment des investisseurs.

    Indépendamment de qui accédera au poste de chancelier allemand à Berlin, l’élu devra affronter un large éventail de défis

    Ces douze derniers mois, les rendements des obligations de l’État allemand à dix ans ont évolué entre -0,75% et -0,20%. Cela reflète le taux de dépôt négatif de -0,5% de la Banque centrale européenne, les attentes d’une politique monétaire accommodante ces trois prochaines années et le risque limité, voire nul, de pressions inflationnistes. Par conséquent, les taux allemands resteront probablement négatifs et stables pour longtemps.

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