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    Elections indiennes : un référendum sur quatre années de réformes dans une économie à croissance fulgurante ?

    Elections indiennes : un référendum sur quatre années de réformes dans une économie à croissance fulgurante ?
    Stéphane Monier - Chief Investment Officer<br/> Lombard Odier Private Bank

    Stéphane Monier

    Chief Investment Officer
    Lombard Odier Private Bank

    L’année prochaine, les électeurs indiens se rendront aux urnes à l’occasion d’élections qui pourraient mettre à mal le gouvernement majoritaire du Premier ministre Narendra Modi. Alors que les opposants politiques de M. Modi sont en train de nouer des alliances, les menaces sur ses réformes comme la probabilité d’une explosion des dépenses s’amplifient, avec des implications pour les investisseurs.

    En 2014, Narendra Modi a permis à son parti Bharatiya Janata (BJP) de remporter la première majorité octroyée en 30 ans à un parti unique, offrant ainsi à l’Alliance démocratique nationale (National Democratic Alliance, NDA), alors au pouvoir, un mandat de réforme historique à la chambre basse du Parlement, la Lok Sabha.

    Le Premier ministre est une personnalité clivante. Décrié par ses opposants comme un nationaliste hindou et un personnage assurant son auto-promotion, qui aurait fait des élections d’il y a quatre ans un référendum sur sa personne, Narendra Modi a remporté une victoire écrasante grâce au slogan « Les beaux jours arrivent » et a promis de diriger le pays selon les mêmes principes qu’il avait appliqués pendant 12 ans en tant que ministre en chef de l’État du Gujarat. La controverse autour de son rôle dans les violences sectaires qui se sont déchaînées en 2002 se poursuit toujours et son bilan en tant que Premier ministre divise l’opinion publique.

    Les élections législatives d’avril et mai 2019, qui se tiendront dans l’économie asiatique qui connaît la plus forte croissance, interviennent après un mandat de quatre ans au cours duquel l’administration de Narendra Modi a mené de nombreuses réformes. Il serait difficile de mettre en défaut l’ambition qu’a M. Modi de moderniser l’Inde mais ses mesures ont cependant eu un succès relatif. Les réformes entreprises comprennent une accélération des procédures de faillite et d’arbitrage, la création d’une identification biométrique en vue de constituer un registre national des citoyens, la révision des taxes sur les ventes et la refonte de la circulation monétaire (voir ci-dessous). Mesure emblématique, la promesse de doubler les revenus des agriculteurs d’ici 2022 n’est pas près d’être réalisée et, la semaine dernière encore, de nouvelles manifestations dans les campagnes appelaient à étendre les abandons de prêts qui ont été mis en place par certaines régions.

    L’issue des élections législatives pourrait être fixée par la population rurale. Avec moins d’un tiers des citoyens indiens vivant dans des centres urbains, la couverture médiatique de la campagne électorale met souvent l’accent sur le mécontentement rural, en comparant les promesses du Premier ministre à ce qui a été effectivement réalisé. En réponse, le gouvernement a abandonné des créances et a augmenté les « prix de soutien minimaux » aux récoltes, risquant ainsi d’accroître les dépenses avant les élections. Enfin, les lois du travail, complexes, demeurent pour leur plus grande part inchangées, dissuadant de fait les entreprises d’embaucher et de se développer.


    L’opposition s’organise

    Si la partie agricole représente l’essentiel des emplois, le paysage politique indien demeure vaste et fragmenté. Le BJP fait lui-même partie de la NDA, une coalition regroupant 45 partis qui avait été créée pour prendre part aux élections législatives de 1998, qu’elle avait remportées. La division politique du pays a été bénéfique pour le BJP en 2014 quand, avec d’autres membres de la NDA, il a remporté 51% des sièges à la Lok Sabha, sur la base de 31% des suffrages obtenus dans le système majoritaire uninominal à un tour.

    La Chambre basse est actuellement composée de 36 partis, dont 23 ont remporté 5 sièges ou moins il y a quatre ans, dans une Chambre comptant 545 sièges. Le Congrès national indien (Indian National Congress, INC), le parti au pouvoir de 2002 à 2014, a remporté 8% des sièges à la Lok Sabha en 2014 avec 19% des voix, son pire résultat depuis l’indépendance de l’Inde. La Chambre haute, ou Rajya Sabha, tient des élections pour un tiers de ses sièges tous les deux ans.
     

    Si la partie agricole représente l’essentiel des emplois, le paysage politique indien demeure vaste et fragmenté.


    Les commentateurs politiques indiens soulignent régulièrement la forte probabilité d’un mouvement anti-BJP l’année prochaine, au niveau des Etats plutôt qu’au niveau national cependant. Le président de l’INC, Rahul Gandhi, a déclaré le 1er novembre que l’opposition s’unirait pour former une alliance contre le BJP. « Toutes les forces de l’opposition vont travailler ensemble pour défendre l’Inde, nos institutions et notre démocratie », a-t-il déclaré aux médias. Pour le moment, le consensus des analystes suggère que la NDA remportera les élections de l’année prochaine avec une majorité réduite à la Lok Sabha.

    Les résultats d’une série d’élections qui se tiendront dans certains États, représentant près d’un cinquième de l’électorat indien, dont le Madhya Pradesh et le Rajasthan, seront connus le 11 décembre. Ils donneront une indication préliminaire de la probabilité que les tentatives de formation de coalitions anti-BJP portent leurs fruits. Les analystes observent en particulier le Rajasthan, l’État qui a fait le plus de progrès en matière de révision du droit du travail.


    Billets de banque et impôts

    Il convient de se pencher sur certaines des réalisations majeures de Narendra Modi durant son mandat. En juillet 2017, le gouvernement a introduit une taxe nationale prélevée sur les ventes. Connue sous le nom de réforme de la Taxe sur les biens et services (Goods and Services Tax, GST), elle a supprimé les prélèvements administratifs régionaux et locaux qui compliquaient les échanges commerciaux dans le pays. Néanmoins, la GST n’est pas aussi simple qu’elle aurait pu l’être, comportant six taux, qui imposent parfois des taxes élevées sur des articles de première nécessité et qui présentent peu de cohérence entre eux.

    La GST a fait suite à un autre projet ambitieux. En novembre 2016, le gouvernement de M. Modi a interdit du jour au lendemain les billets de 500 roupies (7,08 USD) et de 1’000 roupies, obligeant la population à les échanger contre de nouveaux billets auprès des banques, dans le cadre d’une mesure de « démonétisation » destinée à lutter contre la corruption et l’« argent noir » non déclaré. À long terme, cette mesure radicale pourrait commencer à avoir l’effet escompté et donner un coup de fouet à la digitalisation de l’économie indienne, en contraignant les gens à ouvrir des comptes bancaires. À court terme, on estime que 86% de la monnaie indienne est sortie de la circulation en raison de la démonétisation. Dans une économie quasi exclusivement basée sur l’argent en espèces, la démonétisation a généré pénurie et chaos ; elle a frappé durement les plus pauvres et ses effets ont été visibles sur le ralentissement économique de 2017. À ce jour, elle n’a pas non plus augmenté une assiette fiscale chroniquement limitée, qui repose sur environ un pour cent de la population (voir graphique 1).

    La fin d’une NDA majoritaire au sein de la Lok Sabha menace de saper ou même d’annuler les politiques mises en place par Narendra Modi ; notamment, sa promesse de fournir des soins de santé aux 40% les plus pauvres de la population, soit un demi-milliard de personnes, dans le cadre d’un programme surnommé « Modicare » et dont le coût est estimé à 1,6 milliard USD par an.


    Hausses des taux et économie en plein essor

    L’Inde a connu une croissance économique exceptionnelle cette année (voir graphique 2). Au deuxième trimestre de 2018, le produit intérieur brut du pays a augmenté de 8,2% par rapport à la même période de l’année précédente, après une hausse de 7,7% au premier trimestre alors que la consommation privée et les exportations augmentaient, bénéficiant en partie de la chute des prix du pétrole. Le gouvernement indien doit publier les données du troisième trimestre le 30 novembre.

    Ce rythme de croissance devrait ralentir légèrement car l’économie montre des signes de contraintes de capacité, annonçant un cycle prochain de hausse des taux d’intérêt. En juin, la Reserve Bank of India (RBI), la banque centrale indienne, a relevé son taux directeur pour la première fois en plus de quatre ans, en réaction à une hausse de l’inflation, suivie d’une deuxième augmentation de 25 points de base en août, le portant au final à 6,5%.
     

    Ce rythme de croissance devrait ralentir légèrement car l’économie montre des signes de contraintes de capacité, annonçant un cycle prochain de hausse des taux d’intérêt.


    Narendra Modi a eu la chance d’hériter d’une banque centrale placée sous la gouvernance de Raghuram Rajan, qui a maîtrisé l’inflation, réduit le déficit courant du pays et établi sa crédibilité auprès des marchés en réduisant l’inflation de 12% à 4% sur un an (voir graphiques 3 et 4). Urjit Patel a pris ses fonctions en tant que gouverneur de la banque centrale en 2016. Il a réussi à maintenir la crédibilité de la RBI malgré les divergences récentes avec l’administration Modi. Cette dernière souhaiterait plus de laxisme envers un secteur bancaire aux prises avec des prêts non productifs, alors que la banque centrale resserre ses exigences en matière de provisions. En conséquence, les investisseurs étrangers veulent aujourd’hui être rassurés sur le fait que la banque centrale poursuit toujours une politique monétaire indépendante.


    Perspectives d’investissement

    D’une façon générale, les marchés émergents ont traversé une période difficile en 2018, avec des tensions commerciales et un dollar fort qui a pesé sur leurs devises. Cela est moins vrai pour l’Inde, qui dépend moins de l’investissement étranger extérieur et qui a relativement peu de dette en devises étrangères. La roupie indienne s’est dépréciée de près de 10% depuis le début de l’année, sous-performant ses homologues asiatiques.
     

    Alors que le gouvernement de Narendra Modi a mis le pays sur la voie des réformes – et il reste encore beaucoup à faire –, les risques politiques ont augmenté.


    Alors que le gouvernement de Narendra Modi a mis le pays sur la voie des réformes – et il reste encore beaucoup à faire –, les risques politiques ont augmenté. Nous continuons de penser que l’exposition aux marchés émergents doit faire partie d’un positionnement de portefeuille stratégique, mais des vents contraires persistants nous incitent à garder une pondération tactique en ligne avec nos indices de référence. En parallèle, la différenciation au sein de ces économies demeure de la plus haute importance et l’Inde représente l’un des pays les plus solides de notre univers de couverture des marchés émergents.

    Bank notes and taxes

    It is worth looking at some of Modi’s key achievements in office. In July 2017, the government introduced a national sales tax. Known as the Goods and Services Tax (GST) reform, it cleared bureaucratic regional and local levies that complicated trade within the country. Nevertheless, the GST is not as simple as it might have been with six rates, sometimes imposing high taxes on staple items, and little logic between them.

    The GST followed another ambitious project. In November 2016, Modi’s government banned 500 rupee (USD7.08) and 1,000 rupee notes overnight, forcing people to exchange them for new notes at banks in a ‘demonetisation’ measure designed to crack down on corruption and untaxed ‘black money’. In the longer run, the move may begin to work as intended, kick starting the digitalisation of the Indian economy by forcing people into opening bank accounts. In the short run, demonetisation took an estimated 86% of India’s currency out of circulation. In an almost exclusively cash-based economy that created shortages and chaos, hitting the poor hardest with its effects visible in 2017’s economic slowdown. Nor, to date, has demonetisation increased the chronically limited tax base that draws on an estimated one percent of the population (see chart 1).

    Any end of the NDA’s majority in the Lok Sabha threatens to undermine or even reverse Modi’s policies, including a promise to provide healthcare for the poorest 40% of the population, or half a billion people, under a programme nicknamed ‘Modicare’ that is estimated to cost USD1.6 billion a year.


    Rate hikes and a booming economy

    India’s economic growth this year has been second-to-none (see chart 2). In the second quarter of this year, the country’s gross domestic product expanded 8.2% compared with the same period a year earlier, after growing 7.7% in the first three months of 2018 as private consumption and exports rose, in part benefiting from falling oil prices. The government is due to publish third-quarter data on 30 November.

    This pace of growth is likely to slow slightly as the economy shows signs of capacity constraints, signalling a cycle of interest rate hikes ahead. In June, the Reserve Bank of India raised its repo rate for the first time in more than four years, on the back of rising inflation, followed by a second 25 basis point hike in August, bringing the rate to 6.5%.
     

    Growth is likely to slow slightly as the economy shows signs of capacity constraints, signalling a cycle of interest rate hikes ahead


    Modi was fortunate to inherit a central bank under the governorship of Raghuram Rajan who brought inflation under control, reduced the country’s current account deficit and established his credibility with markets by reducing inflation from 12% to 4% over one year (see graphs 3 and 4). Urjit Patel took over as central bank governor in 2016. He has managed to uphold the RBI’s credibility despite recent differences with Modi’s administration, which wants more leniency for a banking sector struggling with non-performing loans as the central bank tightens provision requirements. This has left foreign investors watching for reassurances that the central bank is still pursuing an independent monetary policy.


    Investment outlook

    Emerging markets have in general lived through a tough 2018, with trade tensions and a strong dollar weighing on their currencies. This is less significant for India, which depends less on external foreign investment and has relatively little foreign-denominated debt. While Modi’s government has put the country on a reform path, and the potential remains high, political risks to his restructuring have increased. We continue to believe that emerging market exposure should be part of a strategic portfolio, but lingering headwinds mean that our portfolios remain positioned in line with benchmarks. Meanwhile, differentiation remains of paramount importance, and India represents one of the most robust countries in our emerging market coverage universe.
     

    While Modi’s government has put the country on a reform path, and potential remains high, political risks to his restructuring have increased.


    Key takeaways

    • India’s voters may undermine Prime Minister Modi’s majority as opposition parties begin to coordinate
    • The April/May 2019 general elections are seen as a referendum on four years of reforms which may be rolled-back if the ruling NDA alliance suffers a setback
    • The consensus among analysts remains for the NDA to retain a reduced majority
    • With the economy at full capacity and rising inflation, India’s central bank is entering a hiking cycle. It raised its repo rate twice in 2018, for the first time in four years, to 6.5%
    • Despite an expanding economy, Asia’s fastest growing, rural discontent has been the focus of media attention and may set the tone for next year’s elections

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