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    Les philanthropes, la finance et la cité

    Avec leurs 70 milliards de francs de capital, les fondations suisses injectent chaque année entre 1 et 2 milliards de francs dans des causes d’intérêt public.

    Il y a quelques jours à Genève se tenait la conférence annuelle de SwissFoundations, l’association faîtière des fondations donatrices suisses. Le thème de la conférence était la valeur ajoutée sociale des fondations. Avec leurs 70 milliards de francs de capital, les fondations suisses sont des acteurs majeurs de la place financière et réinjectent chaque année entre 1 et 2 milliards de francs dans des causes d’intérêt public.

    Leur valeur ajoutée dépend en partie de la qualité des services des secteurs juridiques et financiers qu’elles reçoivent. A ce titre, la place financière a une responsabilité et une opportunité pour servir cette catégorie d’acteurs caritatifs ou humanitaires dont Genève a souvent été le berceau. Nous savons que les conditions-cadres en Suisse sont particulièrement attrayantes. Comme rappelé en 2015 dans une étude d'Avenir Suisse*, le nombre de fondations d’utilité publique a augmenté de 60% depuis l’an 2000 et le nombre de grands dons individuels (de 10 à 100 millions de francs) s’accroît.

    Patrimoine de 12 milliards
    La législation a été révisée en 2006 et la surveillance fédérale renforcée. Depuis l’an 2000, 722 fondations ont été constituées à Genève, ce qui représente 63% de l’ensemble des fondations du canton. Pour la seule année 2016, ce sont 48 nouvelles fondations qui ont été créées. En outre, les membres de SwissFoundations sont régulièrement consultés pour la mise à jour du SwissFoundations Code, outil de référence pour les conseils de fondations visant la mise en œuvre des bonnes pratiques, notamment de gouvernance, de gestion des avoirs et de contrôle financier.

    A l’échelle de la Suisse romande, les fondations sous surveillance cantonale disposent d’un patrimoine total de 12,1 milliards de francs. Pour gérer ces avoirs, les conseils de fondation sont désormais de plus en plus sensibles aux préoccupations environnementales et sociales. Des réflexions sur l’alignement du choix des investissements et de la mission de la fondation débutent au sein de ces conseils, afin d’analyser les nouvelles offres émergentes de produits verts ou peu gourmands en carbone ou plus largement sur l’application des critères sociaux, environnementaux ou de gouvernance lors de la sélection.

    Ces approches, si elles sont bien menées et fructueuses, débouchent généralement sur la définition d’une stratégie d’investissement sur mesure, dont le conseil de fondation peut ensuite suivre la mise en œuvre et la performance, à la fois en termes financiers et d’impact positif pour la société, sans compromettre les rendements exigés.

    Dialogue avec l’Etat
    Afin de capitaliser sur ces atouts et sur la professionnalisation des fondations, la place philanthropique genevoise peut compter sur une longue tradition de dialogue public-privé. Ces dernières années, une collaboration constructive avec l’Etat a permis de dialoguer sur différents thèmes, notamment sur les questions des cofinancements, de simplification de procédures administratives ou d’innovations en matière fiscale.

    Je suis convaincu que le potentiel de synergies avec l’Etat ne doit pas être sous-estimé; l’intervention ponctuelle d’un mécène privé peut permettre de faire naître au sein d’une organisation un projet qui pourra ensuite être pris en charge par des financements publics. On l’a vu par exemple en 2016, avec le soutien de dix fondations genevoises au programme d’accueil d’urgence des mineurs non accompagnés. La complémentarité, la prise de risque calculée et la réactivité des fondations apportent une réelle valeur ajoutée dans les situations d’urgence sociale. Le centre de recherche translationnelle en onco-hématologie de la Faculté de médecine de l'Université de Genève illustre également les forces de l’action commune de fondations poursuivant le même but.

    S’appuyant sur cette collaboration, qui s’est particulièrement renforcée depuis cinq ans à Genève, SwissFoundations, la Chancellerie d’Etat et la Fondation Lombard Odier animent une table ronde annuelle permettant d’encourager un dialogue entre les acteurs associatifs, publics et les fondations. Sur le thème du handicap, elle a ainsi permis de lancer le débat sur la création d’un guichet unique permettant un financement rapide par des fondations de besoins non encore pris en compte.

    Mise en commun des moyens et compétences
    En 2015, la table ronde a été l’occasion de rappeler ce que le patrimoine bâti de Genève doit à certains mécènes qui, tout au long de l’histoire, lui ont fait don de certains bâtiments et parcs. En 2016, elle a également permis d’aborder le rôle encore relativement modeste joué par les fondations dans le financement de recherches ou de chaires au sein des universités de l’Arc lémanique, ainsi que les enjeux et les opportunités de collaborations à venir.

    Dans le cadre académique, l’accès à davantage de données sur le secteur des fondations permettrait de prendre du recul, de mesurer son efficience et de proposer des moyens de le dynamiser. Un potentiel existe, tant pour des réflexions quant au rôle global de la philanthropie dans notre société que pour des prises de décisions mieux informées, concernant les choix d’investissement du capital des fondations et les priorités stratégiques de leur distribution. J’estime qu’il existe également un potentiel important de mise en commun des moyens et compétences selon les buts poursuivis.

    Avec cet objectif de production de données et d’analyses pertinentes pour renforcer le savoir-faire du secteur, la Fondation Lombard Odier s’engage cette année, aux côtés d’autres fondations, en faveur de l’ambitieux projet de création du Centre philanthropique de l’Université de Genève. Attirant la pensée académique internationale, ce centre permettra de renforcer le positionnement de Genève sur la carte de la philanthropie européenne et mondiale, d'inciter les fondations à participer à un effort collectif, de devenir un centre de ressources incontournable et un catalyseur pour la création de projets philanthropiques d’envergure à l’avenir. Tirant parti du réseau unique d’organisations internationales présentes localement, il s’inscrit parfaitement dans la tradition de l’esprit de Genève que nous avons à cœur de perpétuer.

    *«Le monde des fondations en mouvement», 2015.

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