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    Baisses d’impôts, réponse de la Banque d’Angleterre et perspectives pour le Royaume-Uni

    Baisses d’impôts, réponse de la Banque d’Angleterre et perspectives pour le Royaume-Uni
    Bill Papadakis - Stratège Macro Senior

    Bill Papadakis

    Stratège Macro Senior
    Kiran Kowshik - Stratège marchés des changes

    Kiran Kowshik

    Stratège marchés des changes

    Points clés

    • Les nouvelles annonces budgétaires au Royaume-Uni ont entraîné une sévère réaction des marchés, mais la soutenabilité de la dette du pays n’est pas en danger et le risque d’une crise analogue à celles auxquelles ont assisté les marchés émergents n’est pas d’actualité. Nos principales préoccupations portent plutôt sur les risques de surchauffe économique, d’une réaction particulièrement vive de la Banque d’Angleterre et de crédibilité institutionnelle à plus long terme
    • Le plafonnement des prix de l’énergie devrait faire baisser le pic d’inflation et les risques de récession l’hiver prochain au Royaume-Uni, mais les fortes baisses d’impôts annoncées pour compenser l’inflation élevée accentueront les hausses de taux d’intérêt. Nous prévoyons des hausses de plus de 200 points de base d’ici la fin de l’année et un pic des taux dépassant 5% au début de l’année prochaine
    • Sauf annulation des baisses d’impôts prévues, nous anticipons un risque de dépréciation supplémentaire de la livre sterling. La paire EUR/GBP pourrait atteindre 0,95, et la paire GBP/USD pourrait s’échanger à parité ou en dessous de la parité à moyen terme.

     

    Quels étaient les principaux éléments du « mini-budget »?

    Le 23 septembre, Kwasi Kwarteng, le nouveau chancelier de l'Echiquier britannique, a annoncé les points suivants :

    • Plafonnement des prix de l’énergie (moyenne de GBP 2 500 par ménage à partir du 1er octobre, prix plafonnés pendant six mois pour les entreprises)
    • Cadeaux fiscaux supplémentaires susceptibles d’ajouter 1,5% de PIB au déficit (suppression de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu, de l’augmentation prévue du taux de l’impôt des sociétés et du plafonnement des primes des banquiers ; suppression de la « taxe verte » sur les ménages ; annulation de la hausse de l’assurance nationale entrée en vigueur en avril)
    • Le gouvernement a également indiqué que de nouvelles mesures en faveur de l’offre seront annoncées en octobre et début novembre.

    Les mesures axées sur l’énergie avaient déjà été très commentées dans les médias, mais les baisses d’impôts ont dépassé les attentes (déjà considérables) en matière d’assouplissement budgétaire. L’un des aspects essentiels de cette annonce est que, plutôt que de financer ce train de mesures par l’augmentation des recettes ou la réduction des dépenses à d’autres postes, il sera financé par le déficit, ce qui entraînera une forte augmentation des emprunts publics à court terme.

    De plus, le gouvernement n’a annoncé aucun programme de réduction de la dette à moyen terme ni n’a montré de signe d’inquiétude quant à une éventuelle violation des règles budgétaires. Ces mesures n’ont par ailleurs pas été chiffrées par l’Office for Budget Responsibility (OBR), organisme de contrôle indépendant. Le message du gouvernement concernant les programmes de financement des baisses d’impôts était peu argumenté, se concentrant sur des affirmations non étayées (et, selon nous, plutôt douteuses) selon lesquelles ces réductions d’impôts stimuleraient la croissance et seraient donc rentables.

    Le message du gouvernement concernant les programmes de financement des baisses d’impôts était peu argumenté, se concentrant sur des affirmations non étayées (et, selon nous, plutôt douteuses) selon lesquelles ces réductions d’impôts stimuleraient la croissance et seraient donc rentables

    La réaction du marché a été sévère. Cette annonce de baisses d’impôts importantes non financées a suscité des inquiétudes quant à l’ampleur du déficit budgétaire et du déficit de la balance courante du Royaume-Uni (le second en particulier) et à la manière dont ils seraient financés. Elle a entraîné la plus grande vente de gilts jamais enregistrée en deux jours, la baisse de la livre jusqu’à un plancher record par rapport au dollar et une augmentation des primes de risque sur les actifs britanniques, y compris les credit default swaps.

     

    Faut-il s’inquiéter de la viabilité de la dette ou craindre une crise ?

    Il ne faut pas aborder les événements actuels au Royaume-Uni sous l’angle de la viabilité de la dette ou d’un risque de crise monétaire analogue à celles que connaissent les marchés émergents. Le ratio dette/PIB du pays est en fait inférieur à celui de bon nombre de ses homologues des pays développés (voir graphique 1), et l’échéance moyenne de sa dette est beaucoup plus longue (près de 15 ans pour le Royaume-Uni, contre moins de 10 ans pour tous ses homologues). L’OBR publiera ses prévisions d’impact des nouvelles mesures budgétaires – et toute autre annonce du gouvernement – le 23 novembre, une décision bienvenue, bien qu’un peu tardive. Les grandes mesures fiscales précédentes, telles que le programme de soutien au marché du travail pendant la pandémie de Covid ou le plan de sauvetage de GBP 137 milliards pendant la crise financière, n’avaient pas entraîné l’économie dans une spirale d’endettement. L’existence d’un taux de change flottant constitue un mécanisme d’ajustement important. Une monnaie plus faible et des rendements plus élevés constituent un processus d’ajustement susceptible, à terme, de rendre l’exposition aux actifs britanniques suffisamment attrayante pour que les flux d’investissement étrangers augmentent. C’est particulièrement vrai pour le Royaume-Uni, étant donné qu’historiquement, la majeure partie du financement du déficit du compte courant provient de flux obligataires/d’endettement.

    Il ne faut pas aborder les événements actuels au Royaume-Uni sous l’angle de la viabilité de la dette ou d’un risque de crise monétaire analogue à celles que connaissent les marchés émergents

    Plus important encore, l’indépendance de la banque centrale est une garantie importante contre un scénario de crise analogue à celles observées sur les marchés émergents. Cela dit, il ne faut pas écarter les risques à long terme pour la crédibilité institutionnelle du pays. La nouvelle première ministre, Liz Truss, a déclaré durant sa campagne pour la présidence du parti qu’elle souhaitait revoir le mandat de la Banque d’Angleterre (BoE), et de hauts fonctionnaires du Trésor britannique ont déjà été écartés par le nouveau gouvernement pour avoir défendu une analyse économique jugée « orthodoxe ». Nous surveillerons la déclaration de novembre sur les mesures budgétaires pour voir si le gouvernement prend des mesures visant à réduire les emprunts à moyen terme en réponse aux préoccupations du marché. Nous serons particulièrement attentifs à toute action gouvernementale susceptible de porter atteinte à l’indépendance de la BoE, notamment une éventuelle tentative visant à remplacer le gouverneur Andrew Bailey en réponse à un resserrement monétaire agressif visant à rétablir la stabilité des prix.

    Nous serons particulièrement attentifs à toute action gouvernementale susceptible de porter atteinte à l’indépendance de la BoE

    Quelles sont nos perspectives pour l’économie et les actifs britanniques ?

     

    1. Le plafonnement des prix de l’énergie devrait faire baisser le pic d’inflation et le risque de récession l’hiver prochain

    La principale conséquence du plafonnement des prix de l’énergie sera une baisse significative du pic d’inflation probable, qui devrait s’établir à un niveau inférieur d’environ 4 à 5% aux prévisions précédentes en l’absence d’un gel des prix (voir graphique 2). La baisse de l’inflation, notamment des prix de l’énergie, aura un effet positif sur les revenus réels, soulageant la pression sur le consommateur britannique, qui était confronté à une « crise du coût de la vie », et améliorant ainsi les perspectives de croissance à court terme. La réponse politique en matière d’énergie pourrait permettre d’éviter une récession pendant l’hiver.

    Le montant global de l’assouplissement budgétaire est très important et pourrait accroître le déficit de plus de 5% du PIB en 2022 et en 2023. Toutefois, les effets de la baisse d’impôts sur la croissance sont moins prévisibles, car l’accent mis sur les ménages et les entreprises à revenu élevé pourrait avoir moins d’effet sur la demande effective. En outre, le resserrement brutal de la politique monétaire qui devrait avoir lieu en réponse à une politique budgétaire très expansionniste face aux craintes de surchauffe ralentira encore la croissance. Bien que la politique monétaire se caractérise par un certain décalage et que l’intégralité de ses effets ne se fera pas sentir avant la fin de 2023, la forte hausse des taux hypothécaires et le resserrement plus général des conditions financières freineront considérablement la croissance. Nous prévoyons donc une légère amélioration nette de la croissance en 2023, ce qui nous amène à relever nos prévisions pour l’ensemble de l’année à +0,1% (contre -0,3% précédemment).

    La réponse politique en matière d’énergie pourrait permettre d’éviter une récession pendant l’hiver. Nous prévoyons donc une légère amélioration nette de la croissance en 2023, ce qui nous amène à relever nos prévisions pour l’ensemble de l’année à +0,1%

    2. Une réponse résolue de la BoE entraînera une forte hausse des taux d’intérêt

    La BoE a tenu sa dernière réunion la veille de l’annonce du mini-budget et n’a pas encore pris de mesures agressives concernant les taux.

    Au cours de cette réunion, le Monetary Policy Committee (MPC) s’est prononcé contre une hausse de 75 points de base, augmentant le taux directeur de seulement 50 points de base pour le porter à 2,25%. Il a également annoncé qu’il allait revenir sur certaines mesures d’assouplissement quantitatif prises de longue date, prévoyant de vendre activement des obligations d’État à partir du 3 octobre.

    Au lieu de tenir une réunion ad hoc en réponse au mini-budget et à la réaction du marché, la BoE a décidé de répondre par une brève déclaration du gouverneur Bailey le lundi 26 septembre, dont le message clé était que le MPC « n’hésitera pas à modifier les taux d’intérêt avec toute l’ampleur nécessaire pour ramener durablement l’inflation à l’objectif de 2% à moyen terme ».

    Le mercredi 28 septembre, la BoE a également été contrainte d’intervenir et d’acheter des obligations d’État, tout en reportant au 31 octobre le début de son programme de ventes actives. L’ampleur de ce dernier n’a pas été modifiée (ce qui laisse entendre que le retard dû à son démarrage plus tardif sera rattrapé). L’intervention (avec « toute l’ampleur nécessaire ») a été considérée comme une réponse nécessaire à l’augmentation des risques pour la stabilité financière.

    Nous pensons qu’un assouplissement budgétaire d’importance face à une inflation très élevée appelle une réponse agressive de la BoE. La décision de ne pas procéder à un relèvement de taux d’urgence et d’avoir lancé des achats d’obligations d’urgence risque de susciter des interrogations quant à son indépendance politique (son éventuelle volonté d’aider le gouvernement à financer son déficit croissant directement en achetant des obligations). Il est indispensable d’envoyer un message fort à ce stade.

    Les attentes du marché en matière de taux ont considérablement augmenté après les annonces budgétaires (voir graphique 3, page 2), avec des taux d’intérêt maximaux d’environ 6% désormais intégrés dans les prix. Si la BoE ne répondait pas à ces attentes, elle assouplirait de fait les conditions financières, ce qui renforcerait les risques d’inflation. Cela pourrait se traduire par des hausses de taux hors normes décidées aux deux dernières réunions de cette année, 125 points de base en novembre et 100 points de base en décembre, portant le taux directeur à 4,50% d’ici la fin de l’année. Les hausses de taux devraient être moins importantes par la suite, et ces derniers devraient culminer autour de 5,50%.

    Cela pourrait se traduire par des hausses de taux hors normes décidées aux deux dernières réunions de cette année, et ces derniers devraient culminer autour de 5,50%

    3. Nouvelle dépréciation en vue pour la livre sterling

    Au début du mois de septembre, nous avions une opinion baissière sur la livre sterling (GBP), principalement en raison de la dégradation du déficit de la balance courante, dont la récente aggravation est largement liée à la hausse des prix de l’énergie. A ce stade, notre point de vue n’intégrait pas les préoccupations relatives au financement du déficit. Nous pensons que la situation a changé à la lumière des récents développements, et nous anticipons désormais une nouvelle dépréciation de la livre.

    Sauf ajustements significatifs ou annulation des baisses d’impôts prévues, nous pensons que la paire EUR/GBP – celle qui illustre le mieux la livre sterling « pondérée par les échanges » – peut finalement remonter près de 0,95. Ce chiffre est proche des sommets atteints durant la pandémie et est cohérent avec le fait que la paire EUR/GBP est en train d’atteindre sa limite d’élasticité compte tenu des facteurs fondamentaux qui expliquent son évolution (voir graphique 4). La même situation s’était produite après la grande crise financière de 2008-2009, après le référendum sur le Brexit et pendant la pandémie de Covid. Nous pensons que la livre sterling pourrait atteindre un niveau de sous-performance similaire à l’avenir. Il convient de souligner ici que si la livre sterling et l’euro se sont dépréciés face au dollar américain pendant la majeure partie de l’année 2022, la monnaie britannique a, dans l’ensemble, relativement bien résisté : la paire EUR/GBP s’est négociée dans l’extrémité inférieure de la fourchette 0,83-0,87 pendant la majeure partie de 2022. Il est donc maintenant possible que la livre sterling sous-performe. Compte tenu de notre nouvelle hypothèse de paire EUR/GBP près de 0,95 et des risques de baisse de l’EUR/USD à 0,95 (ou moins), nous notons que la paire GBP/USD pourrait finalement atteindre la parité et s’échanger sous ce niveau à moyen terme.

    Compte tenu de notre nouvelle hypothèse de paire EUR/GBP près de 0,95 et des risques de baisse de l’EUR/USD à 0,95 (ou moins), nous notons que la paire GBP/USD pourrait finalement atteindre la parité et s’échanger sous ce niveau à moyen terme

    Le risque d’une nouvelle dépréciation n’est pas impossible. En supposant que le choc énergétique actuel maintienne le déficit de la balance courante du Royaume-Uni à son niveau actuel (équivalent à 8% du PIB) et que les flux de capitaux ne comblent qu’une partie du déficit, la livre sterling pondérée des échanges devrait perdre environ 15% pour ramener le déficit de la balance courante à sa moyenne décennale (4% du PIB). Cela se traduirait approximativement par une paire EUR/GBP à 0,98 – sommet atteint après la crise financière de 2008. Dans un scénario plus extrême d’arrêt brutal (disparition des entrées de capitaux) appelant le retour à l’équilibre de la balance courante, la dépréciation de la livre sterling devrait être encore plus marquée (30%). Nous pensons toutefois que cette éventualité est moins probable et qu’il s’agit donc d’un risque secondaire.

    En fin de compte, le remède pour inverser la situation actuelle de forte baisse du taux de change se trouve probablement dans les ajustements de la politique budgétaire et l’envoi de signaux plus crédibles. Les interventions monétaires unilatérales ont peu de chances de redresser durablement la situation de la livre sterling, compte tenu de l’important déficit de la balance courante. Une forte hausse des taux d’intérêt pourrait brièvement stabiliser la monnaie, mais remettra inévitablement à plus tard la question de la viabilité de la dette, au détriment de la livre sterling. Par conséquent, l’orientation de la politique budgétaire pourrait rester le principal moteur d’évolution de la monnaie à l’avenir.

    Actuellement, la préférence des décideurs politiques en faveur de l’ancrage des rendements des gilts (en raison des préoccupations liées à la stabilité financière) reporte le plus gros du travail sur la livre sterling pour attirer les capitaux étrangers afin de couvrir le déficit de la balance courante.

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