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    Une récession aux États-Unis serait-elle imminente ?

    Une récession aux États-Unis serait-elle imminente ?
    Stéphane Monier - Chief Investment Officer<br/> Lombard Odier Private Bank

    Stéphane Monier

    Chief Investment Officer
    Lombard Odier Private Bank

    Points clés

    • Les États-Unis font face à une crise politique et à des signaux économiques contradictoires.
    • Nous surveillons tout signe de faiblesse qui pourrait affecter ce marché haussier qui dure maintenant depuis plus de dix ans.
    • Les dépenses de consommation se maintiennent et le chômage reste faible, mais les activités manufacturières et de services sont en repli.
    • La règle Sahm offre un nouvel indicateur.
    • Bien que les données économiques soient faibles, nous ne percevons aucune menace de récession à court terme.

    À bien des égards, il peut paraître surprenant en cette période que les investisseurs s’interrogent sur l’imminence d’une récession américaine. Le taux de chômage est en effet proche de son plus bas niveau en 50 ans, le S&P 500 a progressé de 55% au cours des cinq dernières années et la consommation se porte bien. Cependant, des facteurs puissants et parfois contradictoires sont également à l’œuvre.

    Menacé d’une éventuelle procédure de destitution, le président américain répète à l’envi qu’on lui doit “la meilleure économie que les États-Unis aient jamais connue”, tandis que ses adversaires démocrates se disputent l'investiture de leur parti pour se présenter contre lui l'année prochaine. En termes politiques, comme le notait récemment l'économiste Paul Krugman, lauréat du prix Nobel, les choses étaient en général simples aux États-Unis: un président était réélu lorsque l’économie du pays était en expansion, et battu si elle était en récession ou lorsque le chômage grimpait.

    Comme de nombreux investisseurs, nous scrutons les signes de faiblesse qui pourraient affecter ce marché haussier qui dure maintenant depuis plus de dix ans. Alors qu’elle avait entamé un cycle d’augmentation de ses taux en 2015, la Réserve fédérale (Fed) a décidé d’inverser la tendance cette année face à une inflation poussive, au ralentissement de l’économie mondiale et à la perturbation des échanges commerciaux avec la Chine. La banque centrale américaine devrait réduire ce mois-ci ses taux directeurs pour la troisième fois. Ceci étant, le président américain a vivement critiqué la politique de la Fed. “Ils ne comprennent rien à la situation”, a tweeté Donald Trump le 9 octobre, reprochant à l’institution d’être à l’origine du ralentissement du secteur manufacturier américain en n’ayant pas abaissé ses taux d’intérêt plus vite pour affaiblir le dollar.

    M. Trump souhaite un dollar moins fort afin de stimuler les exportations du pays, un de ses crédos politiques. Le différend commercial américano-chinois met à l’épreuve sa prétention d’avoir offert aux États-Unis leur “meilleure économie” et l’intensification continue des tensions a fini par avoir raison des avantages qu’avait octroyés la relance budgétaire de janvier 2018 à la plupart des Américains, une mesure qui demeure le seul succès législatif du président à ce jour.

    Les États-Unis ont maintenant levé leur menace d'imposer de nouveaux tarifs douaniers à partir de cette semaine, en échange de plusieurs engagements de la Chine: augmentation de ses achats de produits agricoles américains, davantage de transparence dans les décisions relatives à sa devise et plus d’ouverture vis-à-vis des sociétés de services financiers étrangères. Si elle est respectée, cette trêve devrait apaiser les craintes les plus vives d'une nouvelle aggravation, même si rien n'indique que des différends plus profonds, liés par exemple à la propriété intellectuelle, au transfert forcé de technologie ou aux subventions publiques, aient connu des avancées.

    Les effets de la hausse des droits de douane, qui ont commencé à se faire sentir sur les matières premières puis, rapidement, sur les biens de consommation, pourraient jouer un rôle majeur dans l'élection présidentielle s'ils ne sont pas effacés à brève échéance; ils pourraient même être le facteur déclencheur d’une prochaine récession.

    Les dépenses de consommation représentent plus des deux tiers de l'activité économique des États-Unis et elles semblent bien résister pour le moment. Elles ont encore augmenté de 1,1%, atteignant un chiffre record au deuxième trimestre, tandis que la confiance des consommateurs, telle que mesurée par l’Université du Michigan, a grimpé ce mois-ci à son plus haut niveau depuis juillet. Les effets de la hausse des droits de douane, qui ont commencé à se faire sentir sur les matières premières puis, rapidement, sur les biens de consommation, pourraient jouer un rôle majeur dans l'élection présidentielle s'ils ne sont pas effacés à brève échéance; ils pourraient même être le facteur déclencheur d’une prochaine récession.

     

    Essoufflement industriel

    L’augmentation des taxes douanières est également responsable de la dégradation de l’activité manufacturière aux États-Unis. L’indice ISM (Institute for Supply Management) américain a reculé de 1,3 point en septembre, pour atteindre son plus bas niveau en dix ans, soit 47,8, un chiffre bien inférieur aux attentes. Parmi les indicateurs qui le composent, l’emploi, la production et les nouvelles commandes à l’industrie ont tous baissé au cours du mois. Il convient de noter que l’ISM manufacturier, une enquête qui existe depuis plus de trente ans, n’a chuté que six fois, la dernière fois étant en mars 2009.

    Afin d’anticiper une possible aggravation, nous surveillons les répercussions éventuelles sur le pouvoir d'achat des consommateurs sur la base de plusieurs indicateurs: la croissance de l'emploi et des salaires, les prix des carburants, l’immobilier et l’épargne.

    Le taux de chômage américain atteint aujourd’hui 3,5%, son plus bas niveau en 50 ans. Les données publiées le 4 octobre ont montré que les creations d'emplois non agricoles dépassent 150'000 chaque mois et que le salaire horaire moyen a augmenté de 2,9% au cours de la dernière année.

    Le rôle du pétrole dans le déclenchement d’une crise économique est donc beaucoup moins important aujourd’hui, d’autant plus que les États-Unis approchent de l'autosuffisance.

    Néanmoins, les gains horaires moyens réels ont diminué de 1,2% au cours de la période de 12 mois terminée en septembre et il semblerait que l’économie américaine ralentisse dans son ensemble. L’indice ISM des directeurs d’achats du secteur non-manufacturier a chuté en septembre à 52,6, son plus bas niveau depuis août 2016.

     

    Pétrole, logement et épargne

    En général, une flambée des prix du pétrole annonce invariablement une récession aux États-Unis. Ce fut le cas en 1958, dans les années 1970 et au début des années 1980, lors de la première guerre du Golfe en 1990 et 1991, ainsi qu’en 2008. Les tensions récentes au Moyen-Orient n’ont provoqué qu’une hausse temporaire des prix du pétrole. Une fois ajusté en fonction de l’inflation, le coût réel des carburants reste bien inférieur à ce qu'il était il y a deux ou trois décennies. Le rôle du pétrole dans le déclenchement d’une crise économique est donc beaucoup moins important aujourd’hui, d’autant plus que les États-Unis approchent de l'autosuffisance.

    Un autre facteur semble confirmer également la résilience des dépenses de consommation: la confiance manifestée au travers des achats de logements neufs, qui ont crû de 6,4% entre janvier et août 2019 par rapport à la même période de 2018. Les ventes de logements ont bénéficié sans tarder de la baisse du loyer de l’argent. Pour le moment, rien ne laisse présager d’une chute de l'investissement résidentiel, une tendance qui avait précédé la grande crise financière.

    Le taux d'épargne moyen devrait également fournir une marge de sécurité raisonnable: il atteignait 8,1% en août, bien
    au-dessus de sa moyenne sur 20 ans de 6%.

     

    Un signe avant-coureur traditionnel

    Historiquement, l’inversion de la courbe de rendement (lorsque les rendements des bons du Trésor à court terme deviennent plus élevés que ceux à long terme) s’est avérée être un indicateur fiable d’une récession, comme par exemple au début des années 2000 ou en 2007. Aujourd'hui, les bons du Trésor à 3 mois et à 5 ans génèrent le même rendement de 1,67%, et la courbe s’est aplatie par rapport à il y a un mois. Mais les maturités ne convergent pas toutes et on ne peut donc voir là le signal clair d’une récession: il nous faut chercher d’autres indicateurs.

    La réponse à la question relative à l’imminence ou non d’une récession est que nous n’y sommes pas encore.

    Une nouvelle règle

    Un nouvel indicateur suscite un grand intérêt, la règle dite Sahm, nommée ainsi en l'honneur de Claudia Sahm, économiste en chef au Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale. Cette règle énonce qu’une économie est en récession ou sur le point d’y entrer si la moyenne sur trois mois de son taux de chômage a augmenté d’au moins un demi-point de pourcentage par rapport à son niveau le plus bas des 12 derniers mois. Adoptée ce mois-ci par le service Federal Reserve Economic Data de la Fed, cette règle se vérifie pour chaque récession que les États-Unis ont connue depuis 1970 (cf. graphique). L’objectif premier de Mme Sahm était de disposer d’un outil permettant d’initier une relance économique sans devoir attendre de recueillir suffisamment de données pour passer par un processus de validation politique classique.

    Sur la foi de cet outil, la réponse à la question relative à l’imminence ou non d’une récession est que nous n’y sommes pas encore. Selon le chiffre de 0,0 que donne actuellement l'indicateur Sahm, il y a 5% de chance qu'une récession survienne d'ici trois mois et 20% d'ici douze mois. Cette probabilité s'élève à 97% pour chaque horizon temporel où le chiffre correspondant est égal ou supérieur à 0,50.

     

    Marge de manœuvre

    Nous ne devons pas non plus oublier que l’économie américaine peut continuer à bénéficier d’une politique monétaire accommodante. Contrairement à de nombreuses banques centrales, la Fed dispose encore d’une marge de manœuvre pour réduire ses taux directeurs, même si ces réductions n’interviendraient pas de façon aussi rapide que le souhaiterait le président Trump.

    Pour le moment, il y a peu de signes avant-coureurs d’une récession à court terme. Le marché du travail américain reste solide, les entreprises ne licencient pas et le pouvoir d'achat et la consommation se maintiennent. Même si la croissance globale devrait ralentir et passer en dessous de son potentiel au cours des prochains trimestres, elle modérera certes les perspectives mais ne préfigurera pas une récession.

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