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    Le dragon chinois ne montre toujours pas de faiblesse

    Le dragon chinois ne montre toujours pas de faiblesse
    Stéphane Monier - Chief Investment Officer<br/> Lombard Odier Private Bank

    Stéphane Monier

    Chief Investment Officer
    Lombard Odier Private Bank

    Un jour prochain, la Chine deviendra la première économie mondiale. En tant que pays ouvertement communiste qui interagit avec les « marchés libres » occidentaux, son parcours n’aura pas toujours été simple. De par le passé, la Chine était ainsi invariablement considérée comme un risque pour tout positionnement pro-croissance. Nous pensons que cela n’est plus le cas aujourd’hui.


    Stabilité

    Nous savons que des risques palpables se manifestent vers la fin du cycle économique mais la croissance mondiale reste bien orientée, même si nous assistons désormais à une désynchronisation des cycles régionaux. En d’autres termes, nous conservons notre biais pro-risque, ce qui pourrait être expliqué en partie par notre opinion sur la Chine.

    Actuellement, la tendance positive semble s’affirmer. Le 17 avril, la Chine a publié une croissance de 6,8% de son produit intérieur brut (PIB) pour le premier trimestre, légèrement supérieure aux estimations du consensus et tirée par la forte demande des consommateurs domestiques. Un chiffre atteint grâce à des ventes au détail et à des investissements immobiliers conséquents. L’inflation reste sous contrôle, ce qui indique que la croissance ne conduit pas, pour l’instant, à une surchauffe inquiétante. L’indice des prix à la production (IPP) pour mars a augmenté de 3,1% contre 3,7% le mois précédent. Les prix à la consommation ont montré une tendance similaire avec un IPC en hausse de 2,1% sur le mois, après 2,9% en février. Si les deux chiffres se sont inscrits en dessous des estimations, il est probable que la perturbation du Nouvel An et un Congrès national populaire plus long que d’habitude aient contribué à cette anomalie passagère.

    Des préoccupations se sont fait jour à l’égard du niveau d’endettement. D’un point de vue macroéconomique, le Fonds monétaire international (FMI) a averti que le ratio dette/PIB de la Chine pourrait atteindre 90% d’ici cinq ans. Mais une grande partie de l’augmentation provient des dettes que les entreprises publiques doivent aux banques publiques, ce qui, pourrait-on penser, participe d’une stratégie finement élaborée. La dette des ménages a également augmenté et ses impacts sont plus difficiles à gérer. Cependant, nous pensons que le volume important d’épargne domestique constitue une bonne protection contre les risques associés.

    Dans l’ensemble, il existe un sentiment de stabilité que l’on ne trouve nulle part ailleurs en Europe ou aux États-Unis. Et la stabilité de la croissance et des prix se ressent également dans la politique monétaire et, bien sûr, dans l’arène politique. L’idée d’un « président à vie » dérange beaucoup de gens et souligne l’absence d’une opposition modératrice à Pékin ; cependant, la facilité avec laquelle Xi Jinping est parvenu à intégrer une modification aussi polémique dans la constitution chinoise contraste singulièrement avec l’ambiguïté déroutante qui caractérise les communiqués de la Maison Blanche. Elle permet également de souligner l’avantage de pouvoir planifier à long terme, n’étant plus soumis à des cycles électoraux de 4-5 ans.

    L’évolution de la devise chinoise est en elle-même tout un récit. La décision de réévaluer le renminbi (CNY) en 2005 et d’assouplir son ancrage au dollar américain (USD) lui a permis de s’apprécier davantage au fil du temps. C’est à ce moment-là que l’économie chinoise a atteint sa majorité. Maintenir la sous-évaluation du CNY était un élément crucial du modèle de croissance initial chinois, axé sur les exportations. La Chine y est parvenue par une intervention substantielle sur les marchés des devises, accumulant près de 4 billions USD de réserves de change dans le processus. Mais, comme toute économie en pleine évolution qui n’axe plus son modèle sur les exportations mais sur la demande intérieure, la Chine a besoin d’une devise qui s’apprécie.

    Entre 2014 et 2016, les craintes du marché portant sur l’économie chinoise et la possibilité d’une dévaluation ont provoqué une baisse des réserves de l’ordre de 25% (soit 1 Md USD), sous la pression des sorties de capitaux. Une nette inversion s’est cependant produite depuis fin 2016. L’amélioration des perspectives économiques et les restrictions effectives des sorties de capitaux ont contribué à stabiliser le niveau des réserves chinoises (qui ont encore légèrement augmenté ces derniers mois, à environ 145 Md USD), tandis que le CNY s’est apprécié de près de 11% par rapport à l’USD. Sous leur angle le plus simple, les devises sont des symboles qui représentent la force relative des nations ; l’inclusion du renminbi dans le panier de devises du DTS du FMI en 2016 était un témoignage de confiance dans la politique suivie par Pékin. Mais les décideurs chinois sont bien conscients qu’il y a 30 ans, de l’autre côté de la mer de Chine orientale, les États-Unis sont parvenus à freiner l’élan d’un Japon renaissant, en partie en favorisant l’appréciation exagérée du yen.


    Des concessions sur les échanges internationaux

    Notre opinion favorable est également corroborée par la réponse mesurée apportée par la Chine à ce qui aurait pu devenir (et, en toute transparence, pourrait encore devenir) un conflit commercial acrimonieux avec les États-Unis et leur président Donald Trump. Pour déformer une phrase célèbre, la Chine a joué le jeu mais elle avait en main un gros bâton. Si des concessions ont certes été faites sur les restrictions à la propriété étrangère dans les secteurs de la finance et de l’automobile, et la rhétorique sur la propriété intellectuelle s’est voulue apaisante, des droits de douane ont également été imposés sur un panier de produits américains. Ceux-ci incluent une taxe de 179% sur le grain de sorgho, une décision qui, comme certains l’ont noté, cible le cœur de l’électorat de Donald Trump alors même que ce dernier se prépare pour les élections de mi-mandat. Un tel scénario comporte bien sûr des risques pour la Chine, en particulier concernant ses efforts pour progresser dans la chaîne de valeur mondiale. Nous ne pourrons jamais être certains du niveau réel de préoccupation des cercles du pouvoir chinois, mais il semble que la Chine fasse volontairement des concessions qu’elle avait toujours été prête à faire, tout en affirmant sa puissance avec succès.

    Des études récentes ont également révélé le véritable niveau des ventes des entreprises américaines en Chine, ce qui permet de comprendre pourquoi ce conflit commercial semble légèrement biaisé en faveur de Pékin1. La capacité du gouvernement chinois à influencer son opinion publique lui permettrait de boycotter efficacement les marchandises et les entreprises américaines, sans avoir à recourir à des changements de politique manifestes. De telles mesures ont ainsi été appliquées avec succès lors du conflit en mer de Chine méridionale avec les Philippines ou du déploiement de systèmes de défense antimissile THAAD en Corée du Sud.

    En bref, notre scénario de base est celui d’un parcours volatil mais aboutissant à une conclusion favorable des « négociations » commerciales en cours. Ceci, comme la résilience économique de la Chine, contribue à soutenir notre vision haussière sur les matières premières. Nous avons ainsi doublé notre allocation à cette classe d’actifs dans les portefeuilles en la portant à 3%. Un apaisement dans les tensions commerciales favorisera particulièrement les métaux industriels, tandis que, plus généralement, nous pensons que les surplus d’approvisionnement sont en train de disparaître et que les marchés physiques se resserrent dans les segments de l’énergie et des métaux de base. La période actuelle de croissance affirmée que connaît la Chine soutient aussi ce point de vue.


    Sur le devant de la scène

    Et « affirmée », c’est bien le mot.

    La Chine ne cache pas son ambition de jouer un rôle central dans les affaires mondiales et a clairement identifié aujourd’hui une opportunité alors que les États-Unis se tournent vers une forme de « protectionnisme », avec un président qui semble vouloir troquer son influence globale pour des gains marginaux dans le cadre d’accords commerciaux bilatéraux. La Chine a ouvertement adopté une politique de « soft power » depuis l’époque de Hu Jintao, le prédécesseur de l’actuel président Xi Jinping, mais c’est le vaste projet d’infrastructures de la Nouvelle route de la soie, visant à construire des réseaux terrestres et maritimes en Asie et en Europe, qui est le signe le plus visible de cette ambition.

    Il s’agit là d’un moteur de croissance pour la Chine, qui renforce notre opinion selon laquelle les marchés émergents surperformeront eux aussi (même si les vents cycliques favorables faiblissent) ; il donne également du poids à notre position relativement optimiste sur l’Europe, qui devrait être courtisée de part et d’autre, les États-Unis cherchant à contrer les ouvertures de leur rival oriental. Dans l’intervalle, nous avons également favorisé les transactions qui visent à offrir une certaine protection aux portefeuilles de nos clients, notamment une position longue soutenue sur le JPY et une allocation positive envers les obligations convertibles, qui offrent un profil de rendement asymétrique.

    La Chine a déjà accompli une grande partie de son programme pour passer à un mode de croissance axé sur « la qualité et non plus la quantité ». Ceci devrait assurer une certaine stabilité et une certaine orientation à partir desquelles les investisseurs peuvent dénicher de bonnes opportunités, tandis que Pékin attend avec impatience le moment où il supplantera finalement les États-Unis au sommet du classement mondial par PIB.

    1 https://www.bloomberg.com/view/articles/2018-04-17/u-s-trade-deficit-does-not-reflect-subsidiaries-in-china$

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