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    Vers une finance durable - entretien avec Jonathan Normand, directeur exécutif de B Lab Suisse

    Vers une finance durable -  entretien avec Jonathan Normand, directeur exécutif de B Lab Suisse

    B Corp est l’un des classements les plus avancés au monde en matière de durabilité des entreprises. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ses débuts?

    B Lab, l’organisation non lucrative à l’origine de la certification B Corp, a été fondée par trois amis d’université, Jay Coen Gilbert, Bart Houlahan, et Andrew Kassoy en 2006. Ils ont créé la certification avec l’objectif de soutenir les entreprises engagées à servir une mission sociale en plus d’une recherche de profit.

    Les entreprises certifiées B Corps mènent ainsi une triple mission : sociale, environnementale et économique. Elles sont motivées à développer une finance d’impact.

    En 2007, les 82 premières B Corps ont été certifiées aux USA et, à ce jour, ce nombre est passé à près de 3'000 B Corps dans le monde. Le mouvement s'est rapidement internationalisé.


    Qu’est-ce que votre outil, le B Impact Assessment?

    Notre outil d’analyse d’impact (BIA) est un outil gratuit et confidentiel qui permet aux entreprises de mesurer leurs performances sociales et environnementales à l'aide de mesures spécifiques. Les entreprises reçoivent une note allant jusqu'à +250 points. Si elles obtiennent un score minimum de 80, elles peuvent recevoir la certification B Corporation. Si leur score est inférieur, nos équipes locales ainsi que les B Leaders sont là pour les soutenir dans leur cheminement vers la certification.

    Nous sommes engagés à créer cette une économie composée d’entreprises qui utilisent l’outil pour s’évaluer et comprendre comment s’améliorer.

    Tous les 18 mois, notre Standard Advisory Council examine et implémente notre outil. Il s'agit d'un comité indépendant, composé de plus de vingt représentants du milieu universitaire, du secteur public et du monde des affaires.


    Qu’est-ce que B Corp apporte de différent par rapport aux autres types de certifications ?

    Tout d’abord, la certification est détenue par un acteur à but non lucratif (B Lab). Ceci a clairement participé à nous apporter de la crédibilité et à nous différencier.

    La certification B Corp se différencie également par l’engagement des parties prenantes. C’est-à-dire que lorsqu’une compagnie est certifiée, celle-ci doit adapter ses statuts, de telle sorte que de nouvelles obligations fiduciaires envers la société et l'environnement y soient précisées.

    Jusqu'à présent, aucune autre certification ne l'exige.

    Enfin, B Corp est devenu un mouvement mondial. Cela permet de développer des partenariats entre entreprises certifiées. La certification B Corp est devenue un "trust builder".

    La certification B Corp est devenue un "trust builder".

    Une fois que les entreprises sont certifiées, comment les surveillez-vous?

    Chaque entreprise est réévaluée tous les trois ans. De plus, entre deux périodes d’évaluation, nous surveillons les entreprises. Cette période de réévaluation permet de mettre en avant tout ce qui aurait été mis en place par l’entreprise pendant les trois ans et d’ajuster la note. Si les prérequis ne sont plus remplis, nous pouvons retirer la certification.

    La certification n'est en réalité qu’un point de départ. Il y a toujours matière à amélioration.

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    Quel est le panorama B Corp ici, en Suisse ?

    Grâce à notre niveau d'aide sociale et à la stabilité de notre système politique, la Suisse est clairement un incubateur de choix. En plus des 1400 entreprises qui utilisent déjà le B Impact Assessment, 300 sont en cours de certification et 55 sont avancées dans le processus.1 L'annonce de la certification de Lombard Odier a clairement accéléré les demandes.

    A titre de comparaison, 800 entreprises dans le monde entier ont soumis leur candidature pour démarrer le processus de révision.

    La Suisse est bien placée pour jouer un rôle de leader, en promouvant un modèle économique durable et en démontrant que les entreprises peuvent poursuivre à la fois un objectif social et économique. Avec peu d'efforts, nous pourrions devenir l'un des pays les plus exemplaires en termes de progrès social et environnemental.

    La Suisse est bien placée pour jouer un rôle de leader en promouvant un modèle économique durable.

    Comment voyez-vous le mouvement B Corp se développer en Suisse?

    En 2018, B Lab Suisse et l’Etat de Genève ont collaboré dans la mise en place du programme d’engagement Best for Geneva. Plus de 350 entreprises locales et professionnelles ont utilisé l’outil pour mesurer leurs performances et ont pu participer à divers ateliers sur l’amélioration des bonnes pratiques sociales et environnementales.

    Suite à ce succès, nous lançons aujourd’hui la Swiss Triple Impact Initiative, un projet d’ampleur nationale qui va clairement être un accélérateur important pour créer une B Economy. Les entreprises participant au programme seront équipées de nos outils de formation pour mesurer et améliorer leur triple impact afin d'accélérer leur contribution à l'Agenda 2030 de la Suisse et aux objectifs de développement durable (ODD). C’est un programme sur trois ans qui a l’objectif de créer un listing suisse des entreprises d’impact.

    L’objectif est vraiment de mettre le secteur privé dans une dynamique positive pour construire cette économie responsable. 

    On est aujourd’hui à un moment clé pour la planète. Pourquoi selon vous, est-il essentiel que le secteur privé se joigne à la cause ?

    Tout d’abord, il y a les attentes des investisseurs, des futures générations, des clients et des consommateurs. Aujourd’hui, nous avons le devoir de travailler ensemble pour éviter une bascule irréversible. Le secteur privé doit avoir une contribution majeure. D’autant que cette transformation est génératrice d’opportunités. Cette révolution durable est évaluée à environ 12 milliards de dollars et devrait stimuler la création de 180 millions emplois d'ici 2030.

    Ne pas opter pour une démarche durable serait une erreur stratégique.

    Lombard Odier a réussi à se connecter à ces réalités et s’est très bien positionnée. Fabio Mancone (Chief Branding Officer Lombard Odier) a réalisé un excellent travail au niveau de la campagne publicitaire de l'entreprise, soutenue par des engagements clairs et une certification crédible. C'est ce dont la société a besoin pour aller de l'avant afin de bâtir une économie partagée et durable.

    Et B Lab, est-ce que vous vous prêtez également au jeu ? Est-ce que vous passez le test pour être une B Corporation ?

    Oui nous le passons ! Comme toute organisation du 21ème siècle nous évaluons nos pratiques et mettons en œuvre des plans d’améliorations. Lors de notre dernier test, il a été identifié que nous avions la capacité de mettre plus de diversité au sein des collaborateurs, ce que nous avons fait à travers un plan de diversité et d’inclusion. 


    Et vous, que faites-vous personnellement pour la planète ?

    J’essaye d’inculquer à mes enfants qu’il faut être sobre. Et c’est ce que j’applique à moi-même.  Il faut se challenger soi-même. Est-ce que j’ai besoin de faire ce voyage ? Il faut se poser les bonnes questions. La sobriété, ce n’est pas négatif, c’est positif. Il faut profiter de ce que l’on a. C’est la meilleure manière de faire.


    Biographie

    Né à Genève, Jonathan Normand s’est formé aux mathématiques et développement algorithmique. Il a passé 12 années au sein d’établissements financiers internationaux avant de cofonder Codethic en 2009, société de conseil en gouvernance et responsabilité sociétale. Spécialiste de l’amélioration de la performance globale, et de la croissance durable, il se passionne pour l’évolution de l’économie et en étudie les tendances et les ruptures.

    Il siège au conseil de Sustainable Finance Geneva et a cofondé l’Association Demain Genève.

    En 2014, il participe à l’établissement de l’ONG B Lab en Europe et cofonde l’antenne suisse qu’il dirige actuellement.

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